André et Jean-Pierre Chignac sont à la tête de Bois et scierie Chignac à Meaulne, dans l'Allier. Sur un marché du chêne caractérisé depuis plusieurs années par une hausse régulière des cours des bois, ils ont pris le parti de continuer de transformer l'intégralité des grumes qu'ils achètent en conservant un outil de production polyvalent. À l'heure où nombre d'unités de production se spécialisent toujours plus, Bois et scierie Chignac fait le pari du stock et d'une large gamme de produits pour pouvoir répondre avec réactivité à toutes les demandes de la clientèle.
La scierie Chignac est située à Meaulne-Vitray en pays de Tronçais… Enfin, les scieries Chignac devrait-on dire plus exactement ! Car si l’entreprise Bois et scierie Chignac est bien née d’une scierie créée dans les années soixante par Henri Chignac dans l’Allier, ses fils qui sont aujourd’hui à la tête de l’entreprise font tourner deux scieries, et une petite unité de fabrication de parquets et de panneaux acquise en 2006 à Saint-Yrieix-la-Perche, dans la Haute-Vienne. Jean-Pierre gère la scierie Chignac spécialisée dans la transformation des gros bois de tonnellerie et la fabrication de parquet massif et André est à la tête des Scieries associés de Tronçais, une entreprise dont l’outil de production travaille également pour la parqueterie mais aussi pour du bois de charpente. «Avec mon frère, on a vu très tôt que nous serions complémentaires», explique André Chignac. «À quatorze ans, il était déjà derrière la scie dans l’entreprise qu’avait créée notre père et c’est à peu près au même âge que j’ai commencé à m’occuper des factures de la société. J’ai ensuite obtenu mon diplôme de comptable et je me suis assez naturellement tourné vers la prise en charge de la gestion, de l’activité commerciale et des achats de bois pour l’entreprise. Mon frère lui a toujours été davantage attiré par la production.»
De la cuisine au parquet
Quand les deux frères rejoignent l’entreprise familiale au début des années 1980, la scierie Chignac ne compte encore qu’un site de production. «A cette époque, on travaillait beaucoup pour la cuisine», lance André Chignac. «Nous exportions aussi des montants de portes pour la menuiserie vers la Belgique. Nous avons commencé à scier des bois de tonnellerie pour les grands contenants dans les années 90, mais nous ne faisons pas de merrain», précise le chef d’entreprise. «Puis peu à peu le marché de la cuisine a commencé à décliner et nous nous sommes tournés vers le parquet.» C’est à cette époque que le village de Meaulne, dans l’Allier, accueille sur son territoire une importante usine de fabrication de parquet. «Nous venions de reprendre depuis trois ans une seconde scierie qui est aujourd’hui devenue les Scieries associées de Tronçais», indique André Chignac. «L’implantation de Berrywood sur notre commune nous a donné l’impulsion pour remettre en état l’outil de production et investir dans du nouveau matériel pour notre second site. Les premières années ont été assez difficiles, car les prix étaient bas sur le marché du parquet et on a peiné à retrouver des bases correctes. Mais progressivement le marché a redécollé et à partir de 2005, l’avènement des lames larges a bien contribué à tirer les prix vers le haut.»
«Transformer tout ce que l’on achète»
Aujourd’hui, le marché se porte bien et la demande est au rendez-vous. «Le niveau d’activité est très dynamique depuis quelques années, peut-être comme nous n’en avons jamais connu depuis que nous dirigeons l’entreprise avec mon frère», confirme André Chignac. Mais cette bonne orientation n’est pas sans conséquences, notamment sur le marché des approvisionnements, où la forte demande fait pression à la hausse sur les cours de la matière première. «Dans le chêne, tout le monde cherche du bois aujourd’hui», explique André Chignac. «Résultat, les prix des bois à l’achat ont augmenté de 30 à 50% au cours des cinq dernières années. Dans les forêts domaniales, la demande des tonneliers fait pression à la hausse sur les prix pour obtenir les meilleures qualités. Et en forêt privée, la hausse est également très prononcée. Nous sommes tous à la recherche de la même matière. Les ateliers de production se spécialisent de plus en plus et tout le monde veut des gros bois car ils offrent un meilleur rendement en scierie.»
Face à cette évolution, Bois et scierie Chignac a fait le choix de conserver un outil de production polyvalent, pour pouvoir continuer de proposer une large gamme de produits. «Dans notre entreprise, nous avons fait le pari de ne pas négocier la grume et de transformer tout ce que l’on achète», lance André Chignac. «L’aspect positif, c’est qu’on optimise chaque grume en fonction de chaque produit. Mais ce choix n’est pas sans contrainte. Il nous oblige bien sûr à trouver un débouché pour chaque produit mais aussi à garder un côté un peu artisanal. Nous revendiquons cette polyvalence car elle nous permet de trouver notre place dans l’activité économique au niveau régional. Bien sûr, les scieries importantes sont présentes sur les marchés internationaux, mais des entreprises comme les nôtres ont encore un rôle très précieux à jouer pour «faire l’appoint» sur la demande au niveau régional. J’en veux pour preuve la commande récente d’un charpentier de Thiers, dans le Puy-de-Dôme, venu s’approvisionner chez nous parce qu’il ne trouvait pas les produits qu’il voulait dans sa zone. Nous avons plus de 9.000 références de pièces de charpente en stock, c’est un véritable atout. Il faut oser stocker».
Une pièce sur deux pour le stock
La charpente représente environ 15% de l’activité de Bois et scierie Chignac. «Nous faisons 50% de débit sur liste et le reste pour le stock. En gros, nous produisons une pièce sur deux pour le stock», souligne André Chignac. La part principale de l’activité de l’entreprise reste majoritairement tournée vers la production de sciages pour la parqueterie et la fabrication d’escaliers (50%). 15% de sa production sont destinés à une clientèle de tonneliers pour la fabrication de grands contenants et les 20% qui restent sont transformés en interne pour la production de parquets et de panneaux. Là aussi, les rôles sont bien répartis. La scierie Chignac fabrique les parquets massifs. Les parquets à coller et la finition sont réalisés sur le troisième site de l’entreprise, situé dans le département de la Haute-Vienne. «Au départ, on ne produisait pas de parquet», précise André Chignac. «Mais après la tempête de 99, on a commencé à avoir du mal à vendre nos produits de 2e et 3e choix. Les petits formats n’étaient pas faciles à mettre sur le marché. Comme beaucoup de nos confrères, on a donc choisi de lancer une petite production de parquet pour les valoriser et nous avons fait l’acquisition de notre atelier à Saint-Yrieix-la-Perche». Aujourd’hui, cette activité consomme entre 300 et 400 m3 de sciages sur les 2.200 m3 que les deux scieries Chignac produisent chaque année (90% d’avivés et de charpentes et 10% de plots et de planches). Au total, Bois et scieries Chignac transforme en moyenne 6.000 m3 de grumes par an. Principalement du chêne bien sûr, environ 90%, mais pas seulement. «Nous scions aussi une centaine de mètres cubes d’acacia par an», ajoute André Chignac. «C’est peu mais c’est une essence très appréciée pour les parquets de salles de bains, par exemple. Même si cela représente de petites surfaces, ces produits permettent de nous identifier et contribuent à valoriser notre image». Par ailleurs, Bois et scierie Chignac transforme environ 500 m3 de feuillus divers : frêne, hêtre, châtaignier, peuplier. «Pour pouvoir servir les artisans et les particuliers qui ne trouvent pas à s’approvisionner dans la région», précise André Chignac.
Du local à l'international
Si la scierie Chignac revendique fièrement son ancrage régional, ce positionnement ne l’empêche pas de travailler aussi à l’international. Ainsi, 35 à 45% de sa production partent chaque année à l’exportation vers des pays comme l’Espagne, l’Italie, la Belgique ou encore l’Allemagne. Pour les deux tiers de sa production qu’elle écoule au plan national, l’entreprise mise sur une formule bien rôdée : 50% de vente en direct, et 50% via de petits négoces qui lui permettent de mailler le territoire, «jusqu’en Bretagne», souligne André Chignac. Les scieries associées de Tronçais viennent de se doter d’un nouveau chariot de tronçonnage BZH qui sera bientôt mis en service sur le parc à grumes. André Chignac a eu l’opportunité d’améliorer son outil de production, alors il n’a pas hésité. Même s’il n’a que 52 ans, il sait qu’il est important d’anticiper dans le monde de l’entreprise pour pérenniser une activité. D’autant plus en scierie où il rencontre régulièrement des difficultés pour recruter. «Je sais que la scierie a encore de l’avenir. Notre force, c’est la maîtrise d’une diversité de savoir-faire». Des savoir-faire qu’il aimerait voir se pérenniser bien sûr. Pourquoi pas dans le cercle familial lorsque le moment sera venu de passer la main… mais c’est une autre histoire.
Sylvain Devun