La scierie nationale se trouve confrontée au manque de rentabilité lorsqu’elle doit transformer des très gros bois au-dessus d’un mètre de diamètre. L’Observatoire du métier de la scierie, avec un groupe de scieurs spécialisés dans le très gros bois et plusieurs fabricants de matériels, s’est penché sur une nouvelle façon de valoriser cette ressource, parfois boudée par les scieries en raison de la complexité de sa transformation.
À l’heure où le plan «Recherche et innovation 2025, filière forêt-bois» en fait une de ses actions (améliorer les processus de transformation des gros bois : création d’unités pilotes et développement de nouveaux produits), l’Observatoire du métier de la scierie et un groupe de professionnels (scieurs et fabricants) se sont penchés sur cette problématique pour poursuivre la réflexion engagée dans le cadre de leur étude sur les gros bois, publiée en décembre dernier dans Le Bois International (Lire : «Le gros bois résineux, une ressource à redécouvrir»). Transformer les très gros bois résineux, au-dessus du mètre de diamètre, est un problème que bon nombre de scieurs rencontrent. Même si la scierie possède du matériel de sciage ruban conventionnel et vertical de grande capacité, il n’en demeure pas moins que les cadences de débit sont ralenties. Résultat, un manque de rentabilité dans la transformation des très gros bois. Il en résulte des coûts de transformation estimés, selon les professionnels, autour de 60 euros/m3 à comparer aux 30 euros/m3 pour le sciage cantérisé, couplé avec des circulaires ou des rubans. Une problématique récurrente qui n’encourage guère l’acquisition de très gros bois en vue de leur transformation, sauf pour le chêne, qui semble avoir au contraire les faveurs des transformateurs.
Découvrir les qualités par l’intérieur
L’idée principale est de changer de paradigme en ne découvrant plus la qualité par l’extérieur, au fur et à mesure et lentement (à cause des hauteurs de sciage et des lourdes charges à transporter) mais par l’intérieur : d’où l’idée de partager le bois par le cœur puis de le refendre et de cantériser le bois afin d’en faire des blocs. L’intérêt étant aussi de diriger des bois impropres au sciage directement au broyage après refendage par sciage.
Les avantages d’une telle pratique seraient :
- de ne plus déplacer inutilement et surtout lentement de gros volume et de gros poids (600 à 800 kg/m3) sur des chariots porteurs (scie à grume conventionnelle). Ce qui occasionne usure et fatigue inutiles du matériel : rails, galets, paliers et roulements. Sans omettre que la lame de scie (organe majeur du sciage) force et chauffe plus (désaffûtage et détensionnage assurés) ;
- de simplifier la méthode de sciage ;
- de faciliter la précision du sciage en reprenant des blocs et non plus une grosse et haute masse de bois ;
- d’éviter et de supprimer les chutes de bois brutales au chargement, au retournement et aux sorties de sciage tombant de scie ;
- d’utiliser le concept de la cantérisation aujourd’hui au point et vulgarisé dans les lignes de canter, mais limité à des diamètres moyens de 500 mm ;
- d’éviter les retournements multiples du bois : perte de temps, fatigue du matériel, lassitude de l’opérateur...
- de supprimer les dangers dans les risques de décrochement du bois sur les chariots traditionnels et à plus forte raison l’hiver avec le bois gelé…
- de gagner en productivité grâce au sciage plus rapide lors de la reprise des quartiers.
Quelle installation type ?
À partir de cette analyse de la situation, l’Observatoire du métier de la scierie et les professionnels du secteur se sont penchés sur le développement d’une installation type. Dans ce modèle, la grume est acheminée sous un long lamier de découpe en poste fixe avec une chaîne d’amenage robuste. Les billes poursuivent leur chemin dans la large goulotte et basculent sur une table de fraisage-écorçage. La bille tourne sur-place et c’est le système d’écorçage qui se déplace. Un système de fraisage incorporé permet d’arrondir les pattes des billes de pied.
La bille écorcée est transportée par une chaîne d’amenage robuste au pied du deck de chargement de la table de refente équipée d’une base lourde et bien ancrée au sol, d’un système de griffage et de retournement, d’un ruban horizontal et d’une lame large. Un grand entraxe est nécessaire afin de refendre de gros à très gros diamètres (supérieur à 1 m).
La table de refente horizontale partage la bille en noyaux de 250 mm maxi. Un système d’optimisation permet d’orienter au mieux la bille sur la table. Chaque noyau est ensuite poussé par un pousseur intégré ou non à la machine, sur la chaîne (ou tapis) qui alimente le canter-refendeur, équipé de scies à ruban jumelles. A la suite de cet outil de sciage vertical, on obtient des blocs de bois équarris (au moins trois blocs par noyau) ou repassés suite à un retour par carrousel (voir le schéma : «Plan type scierie très gros bois avec table de refente, canter refendeur scies jumelles»).
Dans le cas où après l’ouverture horizontale et le refendage vertical la qualité découverte (fente, roulure, gros nœuds…) ne conviendrait pas à la suite de la transformation, les quartiers seront évacués, sans avoir été cantérisés, vers un broyage de grosse capacité. Un seul opérateur devrait conduire à la fois la table de refente et le canter-refendeur.
Le canter-refendeur pourrait aussi être remplacé par une scie à grume qui reprendrait directement les noyaux de grandes largeurs issus de la table de refente, mais ce qui obligerait à avoir un opérateur supplémentaire (voir le schéma : «Plan type scierie très gros bois avec scie à grumes»). Les blocs obtenus peuvent-être utilisés tels quels (grosses pièces de charpente) mais aussi repris (dans le cas d’une transformation intégrée) sur un centre de reprise circulaire de grande capacité pouvant admettre des hauteurs de sciage jusqu’à 250 mm (charpente, emballage), ou sur un ruban incliné avec carrousel pour le débit sur quartier, mais aussi sur dosse (nouvelle tendance du parquet)... Pour le tri et le classement des produits, les systèmes en pointe qui existent sont utilisés : trimmer, chaîne de tri (boxes ou casiers latéraux), empileuse en bout de chaîne de tri ou séparée.
Un marché de «blocs de bois» à créer
Les blocs pourraient-être revendus tels quels à d’autres scieurs ou fabricants qui les transformeraient selon leurs spécificités et leurs besoins : charpente, emballage, menuiserie, parquet… Un marché de «blocs de bois» pourrait voir le jour et ne plus se cantonner aux «équarris de chêne» qui sont exportés en direction de la Chine ! Un scannage des blocs pourraient servir d’interface commerciale entre transformateur et utilisateur. De manière à acheter avant tout une qualité correspondant aux besoins finaux. On pourrait même aller jusqu’à imaginer un scannage des faces des blocs afin de les rendre visible sur le commerce en ligne.
Maurice Chalayer
Observatoire du métier de la scierie