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La filière bois adresse 23 propositions aux candidats à l’élection présidentielle

Le 2 février, les organisations professionnelles de la filière ont présenté un manifeste intitulé « Filière forêt-bois, enjeux et défis pour la souveraineté nationale ». Il sera envoyé aux candidats à l’élection présidentielle. Derrière ce document, un double message à l’attention des futurs responsables politiques : la filière est unie, mais elle a toujours besoin d’être accompagnée pour pouvoir augmenter sa capacité industrielle et moderniser ses outils de production.

Le premier tour de l’élection présidentielle se tiendra le 10 avril prochain. A quelques semaines de cette échéance, les organisations professionnelles de la filière forêt-bois ont présenté le 2 février un éventail de propositions qui sera envoyé aux différents candidats à la présidence de la République française. Ce document, diffusé sous l’égide des deux interprofessions nationales, France bois forêt (FBF) et France bois industries entreprises (FBIE), contient 23 propositions réunies autour de quatre objectifs principaux : développer tous les usages du bois et les capacités industrielles françaises pour répondre à la hausse de la demande ; adapter les forêts sur le long terme pour conserver la biodiversité et préserver la multifonctionnalité des peuplements forestiers ; renforcer l’attractivité des métiers de la filière et développer les compétences pour pourvoir les emplois d’aujourd’hui et de demain ; rapprocher les citoyens de la forêt et de la filière forêt-bois (lire par ailleurs le zoom : « Les 23 propositions formulées par la filière »). « Par ce manifeste, destiné aux candidats à l’élection présidentielle et aux élections nationales, les acteurs de la filière forêt-bois souhaitent à la fois rappeler l’importance du bois, matériau stratégique pour la France, et sensibiliser les futurs responsables politiques aux principaux enjeux auxquels elle se trouve confrontée », ont indiqué les organisations professionnelles à l’initiative de cette démarche. « Partant du double constat que la décarbonation de l’économie française ne se fera pas sans le développement des usages du bois et que la forêt française, menacée par le réchauffement climatique, ne pourra continuer à produire du bois à long terme qu’au moyen d’un important effort d’adaptation, la filière livre ses propositions pour que la France demeure maîtresse de son destin et relève le défi de la neutralité carbone en s’appuyant sur des filières économiques locales et performantes ». Pour Jean-Michel Servant, président de France bois forêt, l’heure est à « l’union sacrée. Ce n’est pas le tout d’avoir l’union de la filière. Il faut que toute la société soit avec nous, et porte l’effort et la transition que nous sommes en train de faire au service de la transition écologique. La bonne image de notre filière n’est pas suffisante. Ce qu’il faut qu’on comprenne bien, c’est le rôle essentiel de notre filière, du bois et de la forêt, dans la transition écologique ».

Afficher l’unité

Au-delà de la présentation qui s’est déroulée en ligne, la volonté des organisations professionnelles était clairement d’afficher leur unité autour de ces propositions. Sept représentants des différents corps de métier étaient ainsi réunis autour de la table : Frédéric Carteret, président de France bois industries entreprises ; Jean-Michel Servant, président de France bois forêt ; Dominique Weber, président du Comité de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (Codifab) ; Paul Jarquin, président de Fibois France ; Luc Charmasson, président du Comité stratégique de filière bois ; Dominique Jarlier, président de la Fédération nationale des communes forestières (Fncofor), et Jacques Ducerf, président de la Fédération nationale du bois (FNB). A noter qu’ils étaient accompagnés pour l’occasion par Fabrice Denis, directeur général du pôle « construire autrement » de Bouygues construction entreprises. « Nous travaillons en filière pour essayer de mieux comprendre qu’elles sont les demandes de l’aval. Dans un premier temps, lorsque nous avons créé notre task force, l’objectif était de faire remonter les difficultés et les demandes de l’aval vers l’amont pour qu’il y ait une continuité sur l’ensemble de la filière afin justement de privilégier cette production », a précisé sur ce point le président de FBIE Frédéric Carteret, en référence à une action collective lancée depuis la rentrée par la filière pour travailler entre autres sur les tensions rencontrées par les entreprises en matière d’approvisionnement (1) .

Approvisionnement : vers un accord avec la propriété forestière

Ce premier temps fort de l’année pour la filière fut aussi l’occasion d’élargir le débat à différents sujets d’actualité, dont effectivement la question des approvisionnements qui demeure depuis plusieurs mois l’une des problématiques centrales pour les entreprises. « La ressource est là, elle se développe, après il faut encore avoir l’intelligence de la garder. Aujourd’hui un chêne sur trois part à l’exportation sans transformation », a souligné à ce propos Jacques Ducerf, président de la FNB. « Il est important de pouvoir maintenir cette ressource chez nous pour pouvoir alimenter nos scieries. Les entreprises ont des projets, sont prêtes à investir, à développer l’accompagnement des augmentations des utilisations du bois. Mais pour pouvoir faire ces investissements, il faut avoir la garantie de pouvoir s’approvisionner. C’est un sujet essentiel, que nous avons d’ailleurs abordé dans notre manifeste. Nous travaillons sur un accord cadre entre la propriété forestière et les transformateurs pour essayer de maintenir chez nous, le plus possible, cette ressource de qualité ». […] « En cours de discussion, cet accord cadre devrait aboutir dans les jours qui viennent. Il s’appuie sur une augmentation très importante de la contractualisation, avec la forêt publique bien sûr, mais aussi avec la forêt privée. C’est important à développer car les bois contractualisés, nous sommes sûrs qu’ils restent chez nous. La deuxième chose, c’est le label UE. Nous pouvons le mettre en place très rapidement, il suffit que les propriétaires et les acheteurs adhèrent à ce label et dans les jours qui viennent, nous pouvons faire en sorte que ces bois vendus sous label restent en France, en Europe tout au moins. Tout ceci est un vrai sujet. Au travers des propositions qui nous ont été faites par le ministère de l’Agriculture, il y a moyen d’arriver très rapidement à un accord. Sur la dernière version, il n’y a désormais pas beaucoup d’écart entre les positions des propriétaires et des transformateurs. Je suis assez confiant et je pense que nous pourrons parvenir à un accord dans un délai très court. Bien sûr à plus long terme, c’est la contractualisation la vraie solution ».

Améliorer « la souveraineté nationale » de la filière

A l’heure où 80% des bois d’ingénierie mis en œuvre en France sont importés, les organisations professionnelles à l’origine de ce manifeste ont également tenu à rappeler que l’un des principaux objectifs de leurs propositions était d’améliorer « la souveraineté nationale » de la filière, en optimisant notamment la compétitivité des entreprises. « Ça dépend de quel marché on parle. La construction dépend effectivement beaucoup de l’importation. Par contre, si nous parlons de produits comme le parquet, comme le meuble… il y a là une vraie concurrence. Elle vient en partie de l’Union européenne, elle est presque normale et s’inscrit dans notre logique, mais une grande partie vient de beaucoup plus loin », poursuivait Jacques Ducerf. « Quand la matière première traverse la moitié du monde pour se faire transformer dans des zones où la main d’œuvre est bon marché et qu’elle revient sous forme de produits transformés, c’est une vraie concurrence qui s’oppose à nous et sur laquelle il faut qu’on puisse avancer. »

Pour le président du Codifab Dominique Weber, amené à s’exprimer plus précisément sur la situation du secteur du meuble quant à ces questions de compétitivité, « reconquérir des parts de marché va prendre un peu de temps. Le temps ça passe par l’investissement, par la formation des femmes et des hommes. C’est un enjeu filière dans son ensemble. Oui, nous partons peut-être d’un point un peu bas, mais je crois qu’il y a une prise de conscience sur les sujets industriels en France et on peut remercier les pouvoirs publics actuels à ce propos. Ils sont aujourd’hui complètement mobilisés. C’est tout un écosystème à reconstituer, sachant que la part de l’industrie c’est à peine 10% en France contre 22% en Allemagne. On parle effectivement des usines, mais aussi des fabricants de machines, du digital… Nous nous organisons pour attirer les talents dans notre filière qui compte 400 000 emplois, mais à titre de comparaison, il y a plus d’un million d’emplois en Allemagne pour une forêt plus petite. L’écosystème est beaucoup plus large mais il est assis sur un tissu industriel historique. Les Allemands n’ont cessé d’investir ces dernières années. De notre côté, nous reprenons depuis quelques années. Il va falloir nous laisser un peu de temps mais il n’y a aucune raison pour qu’on ne retrouve pas les parts de marché que nous avons perdues ». Toujours sur les différences de compétitivité entre la France et l’Allemagne, Jacques Ducerf ajoutait quant à lui que « l’explication principale se situe au niveau de la fiscalité. Les Allemands ont été beaucoup plus avantagés que nous à ce niveau, c’est pourquoi dans notre manifeste d’ailleurs, nous parlons de suramortissement, de provision pour amortissement... C’est un sujet qui est très important pour faciliter l’investissement des entreprises ».

Quid des Assises de la forêt et du bois ?

Prochaine étape d’importance pour la filière, l’annonce des conclusions des Assises de la forêt et du bois, lancées mi-octobre par le Gouvernement (2). « C’est un peu prématuré », a toutefois indiqué Jean-Michel Servant à ce sujet. « Nous avons travaillé en filière. Les propositions que nous avons portées dans le cadre de ces Assises ont été bâties de la façon la plus consensuelle possible et ont été intégrées dans les contributions faites par l’ensemble des parties prenantes. A ce stade, nous ne connaissons pas encore le résultat mais évidemment qu’il y a une cohérence entre ce qui a été proposé dans ce cadre et le contenu de notre manifeste. Nous ne sommes cependant pas tout à fait sur les mêmes échelles de temps. A priori, les Assises se situent plutôt sur des actions à caractère opérationnel de moyen terme et pour ce manifeste nous sommes sur une perspective qui engage au moins les cinq prochaines années ». D’après les éléments communiqués par les organisations professionnelles lors de cette présentation, les conclusions des Assises de la forêt et du bois devraient être connues au cours de la seconde quinzaine du mois de février.

 

(1) Lire par ailleurs : « Franc-parler : l’union fait la task force ? », dans Le Bois International n° 32 du 25 septembre 2021.

(2) Lire par ailleurs : « Coup d’envoi des Assises de la forêt et du bois », dans Le Bois International n° 36 – 1110 des samedis 23 et 30 octobre 2021.

 

 

Zoom

Les 23 propositions formulées par la filière forêt-bois

● Axe 1 : développer tous les usages du bois et les capacités industrielles françaises pour répondre à la hausse de la demande

- proposition n°1 : soutenir la compétitivité des entreprises françaises en poursuivant la baisse des charges et la simplification.

- proposition n°2 : accompagner le changement d’échelle des industries de la filière et améliorer la souveraineté de la France en produits bois transformés compétitifs et innovants en sécurisant les approvisionnements tout au long de la chaîne.

- proposition n° 3 : adapter les dispositifs de soutien à la taille des entreprises de la filière.

- proposition n° 4 : consolider les avancées de la Réglementation Environnementale 2020 (RE2020).

- proposition n° 5 : privilégier les matériaux renouvelables et biosourcés et soutenir le développement de l’offre en bois français dans la commande publique.

- proposition n° 6 : développer l’usage de toutes les essences forestières, gage de préservation de la diversité de nos forêts.

- proposition n° 7 : ouvrir le « Plan Hydrogène » à l’hydrogène vert à base de biomasse forestière.

- proposition n°8 : poursuivre le développement du bois-énergie.

● Axe 2 : adapter les forêts sur le long terme pour conserver la biodiversité et préserver la multifonctionnalité des peuplements forestiers

- proposition n°9 : faire de l’adaptation des forêts une cause nationale en dotant le fonds stratégique forêt-bois de l’ambition et de la visibilité nécessaires au renforcement de la résilience et au renouvellement forestier.

- proposition n°10 : assurer le financement du renouvellement forestier par tous les moyens (Union européenne, crédits des quotas carbone européens, financements privés, Régions, État).

- proposition n°11 : renforcer les moyens octroyés à l’observation et la modélisation des forêts en support de la gestion adaptative au changement climatique.

- proposition n°12 : développer la prévention et la gestion des risques en forêt.

- proposition n°13 : rétablir un équilibre sylvo-cynégétique dans les zones en déséquilibre marqué et le préserver dans les zones où il est suffisant.

- proposition n°14 : sécuriser et simplifier les conditions de la gestion forestière durable.

● Axe 3 : renforcer l’attractivité des métiers de la filière et développer les compétences pour pourvoir les emplois d’aujourd’hui et de demain

- proposition n°15 : soutenir l’amélioration des conditions de travail dans la filière via la mécanisation et la numérisation afin de renforcer l’attractivité des métiers.

- proposition n°16 : déployer une grande campagne nationale de formation à la construction mixte et bas-carbone, outil d’accompagnement de la RE 2020 pour le volet développement des compétences.

- proposition n°17 : faire de l’apprentissage la voie prioritaire de préparation aux diplômes professionnels.

- proposition n°18 : redonner de l’autonomie aux partenaires sociaux dans la gestion des politiques de formation professionnelle.

- proposition n°19 : renouveler une campagne de communication nationale pour aider les entreprises de la filière à recruter.

● Axe 4 : rapprocher les citoyens de la forêt et de la filière forêt-bois

- proposition n°20 : œuvrer à la signature d’une convention entre le ministère de l’Éducation nationale et les professionnels de la filière pour développer la connaissance de la sylviculture (+ matériau bois / cycle carbone).

- proposition n°21 : constituer une plateforme d’échange structurée avec les ONG représentatives.

- proposition n°22 : mettre à disposition des outils d’information pédagogiques sur le fonctionnement des forêts.

- proposition n°23 : poursuivre la structuration engagée avec la Fédération des communes forestières d’un réseau d’élus locaux formés et informés pour expliquer la gestion forestière.

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