Président de France bois régions depuis cinq mois, Christian Ribes évoque les projets de l’interprofession qui ont été bousculés en raison de la crise sanitaire. Malgré un contexte difficile, 80% des entreprises ont repris leur activité mais elles sont toujours en mode dégradé.
LBI - Quelles sont les missions de France bois régions ?
Christian Ribes : L’interprofession France bois régions, la plus ancienne organisation de la filière, créée en 1993, compte 120 collaborateurs. Sa mission est de fédérer tous les maillons de la filière, de la graine jusqu’au bois transformé, contrairement aux deux organisations plus récentes à savoir France bois forêt, qui collecte la Contribution volontaire obligatoire, axée sur l’amont de la filière et France bois industries entreprises qui agit sur la construction transformation. FBR fédère 12 présidents d’interprofessions régionales et 12 directeurs, son but est de mettre en commun de bonnes idées pour mutualiser des outils. Nous menons des actions phares à commencer par la prescription bois par des ingénieurs spécialistes qui conseillent des maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage. Ils font la promotion du matériau bois, aident à construire les cahiers des charges, solutionner des problématiques techniques. FBR est membre du Comité stratégique filière bois pour porter la parole des régions au niveau national.
LBI - Comment avez-vous lancé une enquête de conjoncture dans les régions durant la crise sanitaire ?
C. R. : Nous avons envoyé à nos adhérents un questionnaire identique dès la deuxième semaine de confinement afin d’avoir un baromètre, maillon par maillon, des entreprises qui continuaient à travailler. Des données intéressantes en ont été extraites et transmises aux services régionaux de l’État, la Préfecture, la Dréal, la Direccte, la DRAF, les conseils régionaux qui cherchaient des informations. Il y a eu plus de 50% de retours, ce qui donnait une image fidèle de la réalité à un instant donné. Les restitutions ont été adressées aux entreprises qui avaient participé aux sondages, cela leur permettait de situer leur niveau d’activité par rapport à leur secteur que ce soit une scierie, un exploitant, un papetier, une coopérative, etc.
LBI - Qu’est-il ressorti de vos enquêtes de conjoncture ?
C. R. : Les différences étaient importantes d’une région à une autre, pas toujours en lien avec le Covid-19 : ce n’est pas où la pandémie a sévi le plus, comme dans l’Est, que les entreprises se sont le plus arrêtées. Certaines régions pas ou peu touchées ont été très impactées par des arrêts techniques car leurs débouchés étaient touchés, comme les fabricants de panneaux lorsque l’industrie de l’ameublement et les grandes surfaces de bricolage ont fermé. Certaines ont arrêté le 17 mars, à l’initiative des chefs d’entreprises ou de leur organisation professionnelle, et repris une à deux semaines après sentant que ça allait durer. D’autres n’avaient pas repris début mai, celles-là ont le plus de mal à redémarrer. De nombreuses scieries ont été très impactées, notamment dans les Landes, pourtant peu touchées par la crise.
D’autres ont été impactées par l’arrêt des chantiers, perdant 50% de leur activité par endroit, avec une incidence indirecte sur les fabricants de palettes qui ont ralenti ou cessé leur activité sauf ceux qui travaillaient pour l’alimentaire ou la pharmacie. La première mesure a été de purger les jours de congés de leurs salariés puis de recourir au chômage partiel, le télétravail étant impossible pour une majorité de postes.
LBI - A la mi mai, quelle est la situation des entreprises ?
C. R. : 80% ont repris mais la plupart sont en mode dégradé. Aucune entreprise ne travaille à plein régime, soit parce que les débouchés
ne sont pas là, soit à cause de l’absence de collaborateurs en lien avec une pathologie ou la garde d’enfants. Il faudra compter quelques mois avant que la filière reparte à plein régime. Dans la construction, tous les corps de métiers sont imbriqués, le charpentier et le menuisier n’avancent que si le maçon est présent et d’autres artisans. Aujourd’hui, l’état de santé des entreprises dépend de leur situation d’avant la crise : celles qui étaient saines avec une trésorerie et un cash flow suffisants passeront la crise mais d’autres sont très impactées. Nous craignons des dépôts de bilan, cessions d’activité ou d’entreprises et cela pourra déboucher sur des concentrations.
LBI - Où en sont vos projets de coordination avec France bois forêt et France bois industries entreprises ?
C. R. : Tous les projets de collaboration, de travail et d’échanges avec France bois forêt et France bois industries entreprises sont différés à des moments où nous pourrons nous rencontrer physiquement. Nous avons pris la sage décision d’ajourner les Universités d’été organisées depuis dix-huit ans car d’une part, nous ne savons pas si nous pourrons nous réunir en septembre en Bourgogne-Franche-Comté comme prévu et d’autre part, les chefs d’entreprises auront certainement besoin de rester dans leur entreprise. Tous les forums construction sont également différés, le Carrefour international du bois de Nantes organisé par l’interprofession Pays-de-Loire est reporté à 2021.
Les Prix régionaux de la construction bois seront remis dans les régions à partir de juin puis ils seront valorisés en vidéos d’ici la fin d’année dans le cadre du Prix national. Nous essaierons de conserver un certain nombre de rendez-vous importants en termes de communication.
LBI - Un projet de fusion des trois organisations nationales est-il envisageable ?
C. R. : Ce n’est pas envisageable, ni envisagé, car leurs missions ne sont pas les mêmes. Les membres de FBF et FBIE sont des organisations professionnelles, l’amont et l’aval pourraient éventuellement se réunir mais il faudrait lever un frein majeur à savoir, une taxe affectée pour l’aval et la CVO pour l’amont, deux modes de contribution différents. FBR a un rôle différent en tant que porte-parole de ce qui se passe en régions et non des organisations professionnelles, celles-ci siégeant dans nos instances régionales. La réduction de trois à deux organisations pourrait se faire, il faut attendre le rapport et les préconisations de la Cour des Comptes et celui de la commission parlementaire confiée à la députée Anne-Laure Cattelot. Il semble peu probable qu’une décision soit prise avant la fin d’année. FBR va cependant ouvrir son conseil d’administration à FBF et FBIE.
LBI - Comment se déroule la reprise dans les interprofessions ?
C. R. : Au départ, la grande majorité des collaborateurs ont choisi le télétravail et depuis début mai, au cas par cas, en fonction des locaux, les salariés reviennent. A Fibois Nouvelle- Aquitaine, que je préside, certains ont repris en présentiel début mai en respectant les gestes barrières. Entre cinq et huit personnes sont présentes soit 30% à 60% des effectifs. Une permanence a toujours été assurée pour rendre service à nos adhérents.
Nous avons géré une commande groupée de 10.000 masques en tissu homologués filtration 90% et de 1.000 litres de gel hydro- alcoolique pour nos ressortissants que nous avons livrée gracieusement aux entreprises.
Voir notre édition verte, Le Bois International, Scierie, exploitation forestière N°16…