La directive européenne sur les énergies renouvelables, dite RED II, est en cours de révision. Le 14 septembre, les eurodéputés ont ainsi voté en majorité pour porter à 45 % la part des énergies renouvelables dans la consommation globale d’énergie de l’UE d’ici à 2030. Mais à cette occasion, le Parlement européen a aussi adopté des amendements appelant à la réduction progressive de la part du bois primaire considérée comme une énergie renouvelable. Une position qui sans surprise n'a pas manqué de faire réagir les organisations professionnelles de la filière forêt-bois. "Le Parlement européen a voté [...] en faveur de l’augmentation de la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergies de l’UE de 32 % à 45 % d’ici 2030. Nos filières soutiennent pleinement cet objectif ainsi que l’exigence de très hauts rendements énergétiques des installations biomasse, et elles sont également favorables à la fin des aides aux centrales biomasse purement électriques", écrivent en préambule d'un communiqué commun rédigé le 28 septembre le SER, le CIBE, la Fedene, FBF, le FNB, la FNCOFOR, Fransylva et l'UCFF (1). "Or paradoxalement, alors que l’objectif en matière d’énergies renouvelables est rehaussé, les dispositions votées par le Parlement européen excluent des énergies renouvelables une très large majorité du bois-énergie issu de la forêt – la "biomasse ligneuse primaire" –, ainsi que son accès aux aides publiques".
Pour Jean-Michel Servant, président de France bois forêt, "la définition de la biomasse forestière primaire adoptée par le Parlement européen est "hors sol". Elle est déconnectée des réalités du terrain. En France, le bois-énergie, co-produit de l’exploitation forestière, est indispensable à la bonne gestion de nos forêts. Si on ne soutient plus cette énergie renouvelable, on va pénaliser l’entretien de nos forêts et la décarbonation de notre économie". Antoine d’Amecourt, président de Fransylva, ajoute que "le bois-énergie est une composante incontournable de l’équilibre économique de la sylviculture. Sa remise en cause serait une catastrophe pour la gestion durable de nos belles forêts". Le président de la FNCOFOR Dominique Jarlier explique quant à lui que "grâce au bois-énergie prélevé dans nos forêts et que nous utilisons dans nos chaufferies biomasse ou réseaux de chaleur, nous pouvons chauffer nos équipements collectifs – écoles, piscines, … –, et lutter contre la précarité énergétique dans nos territoires ruraux, tout en étant indépendant des énergies fossiles dont le prix flambe".
En cas d'adoption définitive en l’état, la position du Parlement pourrait effectivement avoir un impact significatif sur le volume de ressource disponible pour le bois-énergie et par voie de conséquence venir freiner le développement de l’économie liée à cette activité. "Nous nous devons d’alerter sur les conséquences graves qu’aurait pour l’ensemble de l’économie française cette position radicale", poursuivent ainsi les organisations professionnelles de la filière forêt-bois. "Le bois-énergie est indispensable à une gestion forestière durable [...] En France, nous ne récoltons pas du bois pour produire de l'énergie, mais pour construire nos maisons et nos meubles, fabriquer nos emballages, etc. (le bois d'œuvre) et pour produire du papier et des panneaux (le bois d'industrie). La production d'énergie intervient en bout de chaîne, valorisant les parties de l'arbre qui n'ont pas d'autres débouchés. Le bois-énergie apporte ainsi aux propriétaires forestiers un complément de revenu indispensable à l’entretien de leur patrimoine forestier. Le cadre légal qui régit les coupes de bois en France est très strict. Les prélèvements de bois en forêt sont très inférieurs à l’accroissement naturel des forêts, en témoignent la surface forestière et le volume de bois qui ont doublé en deux siècles en France, et qui continuent de s’accroître. [...] Le bois-énergie est essentiel à notre indépendance énergétique, dans un contexte de fortes instabilités géopolitiques. Le bois-énergie est la première énergie renouvelable en France : il représente à lui seul 36 % de la production d’énergies renouvelables et 66 % de la chaleur renouvelable. Renoncer au bois-énergie produit localement, c’est augmenter nos importations d’énergies fossiles. Le bois-énergie protège le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises, grâce à ses prix relativement stables et bas en comparaison aux énergies fossiles importées. [...] La filière bois-énergie, c’est aujourd’hui 1,3 Md€ de valeur ajoutée annuelle et 50 000 emplois non délocalisables et bien ancrés dans nos territoires." Le texte doit désormais faire l'objet d'un trilogue, négociations interinstitutionnelles entre les représentants de la Commission européenne, du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen, en vue de la rédaction du texte révisé définitif de la directive européenne sur les énergies renouvelables (RED III). Dans le cadre de cette prochaine étape, qui devrait intervenir d’ici la fin de l’année, les organisations professionnelles de la filière forêt-bois invitent "le Gouvernement français [...] à tenir une position forte de rejet des dispositions restrictives votées par le Parlement européen sur la biomasse forestière et le bois énergie, pour ne pas condamner nos ambitions énergétiques et climatiques ainsi que les milliers d’emplois que représentent nos filières dans les territoires".
(1) le Syndicat des énergies renouvelables, le Comité interprofessionnel du bois-énergie, la Fédération des services énergie environnement, France bois forêt, la Fédération nationale du bois, la Fédération nationale des communes forestières, la fédération des syndicats de forestiers privés de France Fransylva, et l'Union de la coopération forestière française.