Une note de conjoncture diffusée début mai par l’Agreste – le service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation –, met en évidence une nouvelle hausse du déficit du commerce extérieur de la filière bois. S’il s’accroît dans tous les secteurs des produits transformés, l’Agreste met en exergue l’excédent commercial pour les bois ronds avec des exportations en hausse. La Fédération nationale du bois, qui interpelle depuis plusieurs mois les pouvoirs publics sur les tensions rencontrées par les professionnels de la transformation du chêne sur le marché des approvisionnements, demande que des mesures soient prises en faveur de la transformation du bois en France.
Le déficit commercial de la filière n’est pas nouveau. D’après les données diffusées début mai par l’Agreste, il a augmenté l’an dernier de 6% (2017/2016) pour dépasser les 6 milliards d’euros pour la première fois depuis 2013. Il s’accroît dans tous les secteurs des produits transformés avec une hausse générale des importations. Une relative stabilité de la balance commerciale de la filière avait pu être observée ces dernières années, et la bonne orientation de l’activité économique en France depuis plusieurs mois n’est bien sûr pas étrangère à ce retour à la hausse du déficit commercial. Mais même si une très large part de ce déficit reste imputable aux secteurs des pâtes de bois et de l’ameublement (près de 5 milliards d’euros à eux deux), la note de conjoncture du service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture souligne également que l’excédent commercial pour les échanges de bois ronds se confirme avec des exportations en augmentation. “L’excédent commercial des bois ronds de feuillus tempérés progresse fortement avec une hausse très importante des exportations de chêne (+46%) qui atteignent 87 millions d’euros”, analyse l’Agreste. “Les exportations de bois ronds sont destinées à la Chine (17%), à l’Italie 16% et à la Belgique (26%) où les produits transitent souvent avant d’atteindre leur destination finale.”
Pour la Fédération nationale du bois (FNB), qui interpelle les pouvoirs publics depuis plusieurs mois sur cette probléma- tique, la situation tendrait même à s’aggraver depuis le début de l’année 2018. “Au 1er trimestre 2018, plus de 92.000 m3 de chêne brut ont pris la direction de la Chine, soit +20% vs le 1er trimestre 2017”, explique la FNB. “Une hausse qui s’additionne à celle déjà subie en 2017. À ce rythme, la Chine, qui représente 70% des grumes exportées, captera 420.000 m3 de chêne brut français en 2018, contre 350.000 m3 en 2017. Toutes destinations confondues, 1 grume sur 3 sera ainsi exportée en 2018 (600.000 m3) contre 1 sur 4 en 2017 (500.000 m3)” […] “De plus, la crise s’étend et touche désormais la Belgique et l’Allemagne. Faute de mesures de sauvegarde, ces deux pays représentent, avec la France, 60 à 70% de l’approvisionnement de la Chine en chêne blanc sous forme de bois brut.”
Nouvel appel à l’exécutif
La FNB adresse depuis plusieurs mois des appels à l’exécutif pour sécuriser l’approvisionnement en chêne des industriels français de la première transformation et regrette que “des mesures concrètes se fassent toujours attendre”. Face à cette situation, elle attend désormais du Gouvernement et du président de la République, qui a d’ailleurs récemment effectué la visite d’une scierie dans les Vosges, “des mesures techniques d’urgence en faveur de la transformation du bois en France”.
Parmi les demandes formulées par la FNB depuis le début de l’année, l’extension du label “Transformation UE” aux ventes de chênes en forêt privée est sans aucun doute celle qui a le plus alimenté le débat au sein de la filière forêt-bois. Si le ministre de l’Agriculture s’est prononcé en faveur de cet élargissement lors d’une intervention en février dernier à l’Assemblée nationale, Stéphane Travert a aussi appelé au développement de la contractualisation pour les approvisionnements en chêne et à un accroissement de la compétitivité des unités de première transformation via l’innovation, évoquant au passage la mise en place d’instruments financiers à travers le grand plan d’investissement voulu par le président de la République. Dans la situation actuelle, l’heure est donc plus que jamais au dialogue entre les différents interlocuteurs de la forêt et du bois. Le ministre de l’Agriculture a d’ailleurs confié à Jean-Yves Caullet la mission de clarifier l’organisation et la structuration de la filière. Un point d’étape en juin prochain devrait permettre de connaître les premières pistes de réflexion issues de ses travaux, dont les conclusions sont attendues pour la fin de l’année.
Sylvain Devun