Protéger dès 2022 30% du territoire national et des espaces maritimes sous juridiction, dont un tiers sous protection forte, telle est l’ambition de la nouvelle stratégie nationale pour les aires protégées. «La stratégie ne vise pas uniquement la création d’aires protégées supplémentaires mais également à garantir que celles-ci soient représentatives de la diversité des écosystèmes, bien gérées, interconnectées, disposent des moyens suffisants, ce afin de créer un réseau robuste d’aires protégées résilient aux changements globaux», indique le site du ministère de l’Écologie, qui rappelle que la France inscrit ses actions en faveur de la biodiversité dans le cadre de ses engagements internationaux et européens ainsi que d’accords régionaux et de programmes multilatéraux (convention sur la diversité biologique (CDB), convention de Ramsar sur les zones humides, convention alpine, Initiative internationale pour les récifs coralliens, etc.).
Les écosystèmes français abritent environ 10% des 1,8 million d’espèces connues sur notre planète. En particulier, les territoires d’outre-mer abritent 80% de la biodiversité française, dont 4/5 des espèces endémiques des territoires français.
Parmi les aires protégées françaises sont aujourd’hui plus de 1.700 sites Natura 2000, 350 réserves naturelles, 11 parcs nationaux, 56 parcs naturels régionaux et 9 parcs naturels marins. Le Plan biodiversité prévoit la création ou l’extension de 20 réserves naturelles nationales dont au moins deux en outre-mer d’ici 2022. Un nouveau parc national été créé en 2019 à la frontière entre Champagne-Ardenne et Bourgogne pour protéger les forêts de feuillus de plaine. Ce projet, dont le cœur couvre une soixantaine de communes sur plus de 56.000 hectares, constitue le premier parc national de forêts tempérées de plaine en France. L’ensemble des parcs nationaux représentent près de 9,5% du territoire français et attirent chaque année plus de 8,5 millions de visiteurs. Ils couvrent des domaines terrestres et maritimes variés : Cévennes, Écrins, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Mercantour, Port-Cros, Pyrénées, Vanoise et Calanques, premier parc périurbain d’Europe, parc national de forêts. Pour ce qui est du réseau Natura 2000, qui couvre 18% des terres et 6% de la zone économique exclusive en Europe, il comprend en France 1.776 sites, couvrant près de 13% du territoire terrestre métropolitain et 34% de la zone économique exclusive métropolitaine.
Outils réglementaires (ex. cœur des parcs nationaux, réserves), fonciers (ex. site du conservatoire du littoral, espaces naturels sensibles), ou contractuels/incitatifs (ex. parcs naturels régionaux, Natura 2000), sont intégrés dans la démarche, précise le ministère.
Avec un horizon pour 2030, la stratégie sera accompagnée de trois plans d’actions nationaux triennaux déclinés et alimentés par les territoires. Elle rassemblera les aires protégées dans les politiques nationales menées en matière de biodiversité.
«Cette nouvelle vision pour la période 2020-2030 n’est pas exclusivement ciblée sur la création de nouvelles aires protégées», insiste le ministère, «mais traite également des enjeux qualitatifs communs à tous les types d’aires protégées marines et terrestres, qui prennent notamment en compte les enjeux de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique.» Les gens de la filière forêt-bois, qui savent la difficulté à qualifier la résilience des écosystèmes forestiers, apprécieront l’ampleur de la tâche.
«En 2021, cette nouvelle stratégie sera déclinée dans tous les territoires de métropole et d’outre-mer (régions, façades maritimes, bassins ultra-marins, collectivités d’outre-mer volontaires). Chaque territoire aura donc l’opportunité de déployer cette stratégie selon ses spécificités et ses enjeux», a indiqué le ministère.
Le Comité français de l’UICN a fait plusieurs recommandations sur la stratégie et notamment demande d’y intégrer un objectif de pleine naturalité, tel qu’il figurait dans l’engagement initial ayant présidé à l’élaboration de la stratégie et en réponse à la Résolution du Parlement européen invitant les États membres à développer des réseaux de zones de nature vierge en Europe. Il a donc appelé à l’inscription d’une nouvelle mesure pour le soutien au développement et à la valorisation d’un réseau de sites naturels en libre évolution (les travaux du Comité français de l’UICN en la matière seront très prochainement publiés sous la forme d’une cartographie de la naturalité en France métropolitaine).
Cette stratégie «est axée sur un modèle de protection à la française», avec des «équilibres entre la nature et les activités humaines» et pas de «mise sous cloche», a expliqué pour sa part la secrétaire d’État à la biodiversité Bérangère Abba à l’AFP. «Autant nous allons atteindre, voire dépasser les 30% de protection du territoire à l’horizon 2022, autant pour les 10% de protection forte, la marche est haute.» Les cœurs de parcs nationaux, réserves naturelles nationales, réserves biologiques en forêt, etc., ne représenteraient même pas 2% du territoire.
Photo : Nyctale de Tengmalm. Source : L. Beschet/Réserve naturelle des Ballons comtois