« Nous sommes heureux et fiers que les savoirs et savoir-faire de la futaie régulière de chêne soient désormais inscrits à l’Inventaire national du Patrimoine culturel immatériel de la France. C’est une belle reconnaissance pour la communauté des forestiers qui voient pour la première fois leurs savoirs et savoir-faire identifiés pour leur valeur patrimoniale. Il nous appartient maintenant collectivement de faire vivre nos pratiques afin d’en assurer la transmission aux générations futures », a précisé Olivier Rousset, directeur général par intérim de l’ONF. Selon l’Office, la place du chêne dans l’idéal collectif français et dans la beauté forestière fait de la futaie régulière de chêne une œuvre collective patrimoniale, confiée à des artisans de la nature : les forestiers. Il décrit ainsi la futaie régulière de chêne : elle consiste à faire pousser, sur une même parcelle, des arbres d’âges sensiblement identiques et de dimensions voisines, sur 100 à 200 ans. Les années passent et les paysages varient, du jeune semis à la forêt cathédrale. Au cours du temps, les plus beaux arbres sont « élevés » par les forestiers, qui s’assurent de leur laisser toute la lumière nécessaire tout en veillant au renouvellement permanent de la forêt. Des coupes sont ainsi effectuées jusqu’à celles dites de « régénération », qui s’achèvent une fois la relève des jeunes chênes assurée.
La futaie régulière regroupe une communauté de personnes et d’activités liées les unes aux autres, précise encore l’Office : propriétaires de forêts (État, collectivités, acteurs privés), gestionnaires forestiers (forêts publiques et privées), scientifiques, naturalistes, formateurs et enseignants forestiers, associations (environnement et usagers), scieurs, mérandiers, charpentiers, tonneliers, producteurs de vins et spiritueux, vignerons et architectes du patrimoine. « Tous sont unis pour pérenniser cette culture forestière à l’origine de la beauté des forêts que nous connaissons aujourd’hui. Des forêts source de biodiversité, de production d’un bois de qualité exceptionnelle, et d’accueil du public. »
Sylviculture et reconnaissance
L’ONF entend sans doute utiliser cette reconnaissance à l’inventaire national du Patrimoine culturel immatériel de la France dans les débats concernant les méthodes sylvicoles et notamment ceux (afférents surtout aux peuplements résineux) liés aux coupes rases, décriées par une partie de la population, ce que relaient volontiers les médias grand public. C’est en tout cas ce que laisse supposer son communiqué d’annonce de l’inscription le 27 juin 2022 : « Tout au long de la vie du peuplement forestier, différentes coupes permettent aux plus beaux arbres de se déployer. Le paysage est ainsi modifié, perturbant parfois le promeneur attaché à une sorte de vision immuable de la forêt. C’est oublier que celle-ci, comme les humains, vit différents cycles et qu’une génération d’arbres donne lieu à une autre de jeunes semis qui formeront, à leur tour, la forêt de demain. » L’ONF précise qu’expliquer et partager avec le grand public ce cycle de vie est un enjeu fondamental pour assurer la pérennité de cette pratique forestière.
On pensera aussi aux débats entre partisans de la futaie régulière et partisans de la sylviculture à couvert continu. Dans un article du 3 juin 2022 du journal en ligne finlandais forest.fi était rapporté que « la Commission européenne propose de faire de la sylviculture à couvert continu une méthode dominante ». « Si le projet de la Commission européenne de passer à la sylviculture à couvert continu dans toutes les forêts commerciales devient une réalité, cela posera de grands défis à l'approvisionnement en bois, en supposant que les volumes totaux d'abattage doivent rester au niveau actuel », y notait Antti Asikainen, vice-président pour la recherche à l'Institut des ressources naturelles de Finlande. Il voyait dans ce projet l'abandon de la foresterie basée sur la culture adoptée dans les années 1950. Un séminaire sur la sylviculture à couvert continu organisé par cet Institut des ressources naturelles de Finlande et Metsähallitus en avril avait conclu qu'il n'y a pas de réponse universellement valable à la question de savoir quelle méthode forestière est la meilleure. Tout dépend des conditions de croissance du site, des caractéristiques du matériel sur pied et des besoins du propriétaire forestier.
Avec l’inscription à l’Inventaire national du Patrimoine culturel immatériel de la futaie régulière de chêne, un des besoins satisfait du propriétaire public est sans aucun doute l’(auto) reconnaissance.
« Cette reconnaissance s’appuie sur la mobilisation d’une large communauté d’acteurs : forestières et forestiers de l’Office (en interne, plus de 160 personnes ont contribué à la reconnaissance de cette candidature), acteurs de la filière forêt-bois… Dans le monde de la culture aussi, deux artistes de renommée mondiale, l’actrice Juliette Binoche et le plasticien Fabrice Hyber, ont apporté leur soutien, preuve de leur engagement et de leur attachement à la forêt, à sa gestion et à sa préservation. Que toutes et tous soient ici chaleureusement remerciés », a précisé l’ONF dans son communiqué du 27 juin.
Une fête pour célébrer l’inscription de la futaie régulière de chêne à l’inventaire national du Patrimoine culturel immatériel sera organisée avec les partenaires à l’automne 2022 en forêt domaniale de Tronçais, a d’ores et déjà annoncé l’ONF.