La stratégie de l’Union européenne en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030 a été présentée le 20 mai. Parmi les mesures centrales, la Commission européenne propose qu’à cette échéance au moins 30% des terres et des mers soient protégées au sein de l’UE, contre respectivement 26% et 11% aujourd’hui*. Le texte précise qu’au moins «un tiers des zones protégées, soit 10% des terres et 10% des mers de l’Union, devraient être strictement protégées». […] «Dans le contexte de cette protection stricte, il sera essentiel de définir, cartographier, surveiller et protéger strictement toutes les forêts primaires et anciennes encore présentes dans l’UE», précise la Commission européenne.
Si la Confédération européenne des propriétaires forestiers (CEPF), qui représente les forestiers privés au niveau européen, s’est félicitée de l’objectif général de conserver et d’améliorer la biodiversité, elle estime que cette stratégie ne permet pas de garantir la cohérence des politiques ni de reconnaître correctement les avantages pour le climat et la biodiversité liés à l’utilisation de bois d’origine durable et locale. «Le principe de gestion durable des forêts, déployé par les propriétaires forestiers, n’est pas reconnu par la stratégie européenne de la biodiversité», indiquaient le 26 mai dans un communiqué commun la CEPF et Fransylva. «Une gestion forestière active et durable maintient nos forêts saines et résilientes. Jusqu’à présent, nous constatons une absence de prise en compte de ce principe, ainsi que l’approche holistique des forêts multifonctionnelles», commentait quant à elle Fanny-Pomme Langue, secrétaire générale de la CEPF. Les deux organisations professionnelles, qui considèrent que la stratégie de l’UE ne tient pas compte du rôle des propriétaires forestiers dans la conservation de la biodiversité, s’interrogent quant aux objectifs jugés contraignants qui ont été présentés. «Qu’entend-on par biodiversité, forêts primaires et / ou anciennes ? Comment prendre en compte les ajustements de pratiques sylvicoles liés au changement climatique ? Quelle place accorde-t-on à l’impact social et économique des objectifs ? Quels seront les outils financiers appropriés pour les atteindre ?» Pour Antoine d’Amécourt, président de Fransylva, «la nouvelle stratégie de l’UE pour la biodiversité ne peut pas passer à côté du rôle des forestiers privés». À ce stade, la CEPF et Fransylva demandent à la Commission européenne d’inclure l’élaboration des futures lignes directrices relatives à la gestion durable des forêts dans le cadre de la stratégie forestière, et non en parallèle, «en reconnaissant les différences régionales dans les paysages et les habitats et dans le plein respect des droits de propriété», ajoutait Fanny-Pomme Langue. «Les propriétaires forestiers sont prêts à faire évoluer leurs pratiques forestières, à travers des actions volontaires bénéfiques allant plus loin que le seul impact sur la biodiversité.»
Pour l’heure, la Commission européenne a indiqué qu’elle proposera en 2021 une stratégie pour les forêts qui comprendra une feuille de route visant la plantation d’au moins 3 milliards d’arbres supplémentaires dans l’UE d’ici à 2030. Le 20 mai, elle a aussi affirmé sa volonté de voir l’Union européenne accroître la superficie de sa couverture forestière, renforcer la résilience de ses forêts ainsi que leur rôle, pour enrayer l’appauvrissement de la biodiversité et atténuer les effets du changement climatique. «Nous convenons de la nécessité d’améliorer la résilience des forêts européennes face aux défis du changement climatique, et nous considérons qu’une gestion forestière durable et active est un moyen efficace de prévenir les dommages aux forêts ; cela aurait dû être mieux reconnu dans la stratégie», commentait Patrizio Antonicoli, secrétaire général de CEI-Bois, rappelant également qu’en plus des pertes économiques, les forêts perdent leurs valeurs de biodiversité et leur rôle de puits de carbone. «La gestion durable des forêts, telle que définie par le processus Forest Europe et ses critères et indicateurs, garantit que la conservation de la biodiversité est incluse dans les activités de gestion, sans la nécessité d’imposer de nouvelles zones protégées», ajoutait CEI-Bois dans une communiqué publié lui aussi le 20 mai. «Aujourd’hui, environ 25% de la superficie forestière totale de l’UE28 sont protégés par le programme Natura 2000, et les écosystèmes forestiers représentent 50% de l’ensemble du réseau (EFI 2017, Natura 2000 et Forêts). Par conséquent, avant d’envisager l’ajout de zones forestières protégées ou une nouvelle législation, une meilleure mise en œuvre de la législation existante sur la nature est nécessaire sur les sites déjà désignés, sur la base d’une planification et d’une gestion participatives et d’un financement approprié.» L’organisation professionnelle, qui défend les intérêts des industriels du bois et fédère 23 représentations européennes et nationales de 15 pays, appelle désormais l’UE à bâtir sa future stratégie forestière dans le cadre d’une politique qui permette d’assurer un bon équilibre entre tous les services des forêts européennes, y compris les services sociaux et économiques. «Une focalisation trop étroite sur une protection stricte pourrait entraver la fourniture de matières premières à l’industrie, sapant à terme sa contribution à l’objectif d’une économie circulaire et climatiquement neutre», soulignait le secrétaire général de CEI-Bois Patrizio Antonicoli, dont l’organisation professionnelle souhaite à présent que la nouvelle stratégie forestière l’Union européenne reconnaisse davantage le rôle de l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur dans l’atténuation du changement climatique, de la foresterie aux produits bois en passant par l’industrie.
* Actuellement, l’UE estime que 26% de sa superficie terrestre est déjà protégée (dont 18% dans le cadre de Natura 2000 et 8% dans le cadre de régimes nationaux) ainsi que 11% des mers (dont 8% dans le cadre de Natura 2000 et 3% dans le cadre d’une protection nationale supplémentaire).