Élaboré sous la présidence de Sylvestre Coudert, ancien président des Experts forestiers de France, selon un processus collaboratif entre les membres du conseil spécialisé « gestion durable des forêts » du Conseil supérieur de la Forêt et du Bois, ce rapport d’une vingtaine de pages est présenté comme une « concrétisation de l’ambition visant à renouveler 10 % de la forêt française en dix ans », ceci « à travers trois grands enjeux », ainsi décrits :
Enjeu n° 1 :
Identification des surfaces potentielles à renouveler compte tenu du changement climatique et des peuplements qui vont être sinistrés, dépérissants, vulnérables et économiquement pauvres.
Cette stratégie inclut également, précise le rapport, les surfaces actuellement non cultivées par l’agriculture depuis au moins 15 ans qui s’enfrichent naturellement et sur lesquelles un boisement est envisageable. Enfin, il est également tenu compte du renouvellement habituel.
La totalité des surfaces ainsi identifiées est comprise entre 1,5 et 1,7 Mha ; ces propositions représentent un investissement de 8 à 10 milliards d’euros que les propriétaires ne pourront assumer seuls.
Enjeu n° 2 :
Diversification et adaptation au changement climatique des essences à utiliser dans le cadre de ce renouvellement.
Des outils existent, précise le rapport, permettant, selon les scenarii retenus de réchauffement à échéance 2050, de retenir les essences adaptées. Il convient également de prendre en compte les aspects de préservation et restauration de la biodiversité et d’anticiper les besoins en bois d'oeuvre.
Enjeu n° 3 :
Disponibilité des graines et plants en quantité suffisante et suffisamment diversifiés.
Le rapport indique qu’un triplement de la production actuelle est nécessaire pour satisfaire cette demande. En parallèle, les entreprises de travaux forestiers doivent avoir la main d’œuvre nécessaire pour effectuer ces travaux de plantation et d’entretien.
Le Gouvernement a dit accueillir positivement ces travaux « qui permettent d’identifier précisément les besoins pour la filière forestière » et « de confirmer le besoin d’une trajectoire ambitieuse qui alimentera le plan national pour le renouvellement forestier, partie intégrante de la Stratégie nationale pour la biodiversité 2030, alignée avec le futur Règlement restauration de la nature actuellement discuté au niveau européen ». Il a souligné que la mobilisation de l’ensemble des parties prenantes sera nécessaire et que c’est le sens de la planification écologique portée par la Première ministre.
Un fonds pérenne de soutien prendra le relai de la mesure renouvellement forestier de France 2030 (voir l’encadré ci-dessous) dès 2024 et sera discuté lors du prochain projet de loi de finances avec l’ambition d’une montée en puissance progressive d’ici 2030, a enfin annoncé le Gouvernement.
Critiques
Coupes rases et plantations, surtout résineuses, c’est le spectre craint qui se profile derrière ce rapport pour nombre de critiques. Dès lors que les arbres dits dépérissants représenteraient 40 % de la forêt, tous les arbres pourraient être abattus.
Pour d’autres spécialistes, ce sont les méthodes de boisement qui sont pointées du doigt, et notamment l’introduction d’essences exotiques dont les effets posent question.
Que dire enfin des hypothèses de base derrière ce rapport et toute la politique forestière, à savoir que le changement climatique peut être (et est) modélisé par l’homme (en l’occurrence les hommes du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec)). Hypothèse que nient certains scientifiques, dont tout récemment, le prix Nobel de physique 2022 John Clauser, qui a vu annulée sa conférence au FMI du 27 juillet 2023 intitulée « Quelle confiance peut-on accorder aux prédictions climatiques du Giec ? Parlons-en »… Il n’a pas pu en parler au FMI en tout cas…
Mesure renouvellement forestier de France 2030 : les 26 lauréats
Le plan d’investissement France 2030 (54 Md€ dont 50 % dédiés à la décarbonation de l’économie, et 50 % à des acteurs émergents, porteurs d’innovation) est piloté par le Secrétariat général pour l’investissement pour le compte de la Première ministre et mis en œuvre par l’Agence de la transition écologique (Ademe), l’Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Banque des Territoires.
Une mesure « renouvellement forestier » y a été incluse, dotée de 150 M€, qui a commencé à se déployer le 12 avril dernier par l'intermédiaire d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI) lancé par l’État et visant à identifier et sélectionner les entreprises intermédiaires en capacité d’organiser une offre de services adaptée au dispositif, précise le ministère de l’Agriculture (à savoir en capacité d'identifier/démarcher/conseiller les propriétaires forestiers éligibles ; de regrouper les dossiers et représenter les propriétaires auprès de l’Ademe et des services de l’État en charge de leur instruction ; d’organiser la mise en œuvre des opérations sylvicoles dans des conditions garantissant la qualité des prestations fournies, le respect du cahier des charges et des délais). Le fonctionnement est similaire à celui de la mesure "renouvellement forestier" du Plan France Relance déployé prélablement, à partir de 2020 et de la fameuse pandémie génératrice d'états d'urgence, dont l'AMI avait reçu les candidatures de l'ONF et de l'UCFF (47 % des superficies concernées de l'AMI soit 9 452 ha, pour l'UCFF) notamment.
26 entreprises ont été retenues lauréates de l'AMI France 2030 le 6 juillet 2023, ce qui représente une capacité d'accompagnement des propriétaires forestiers, privés et publics, pour 90 M€ de subventions. « Chaque lauréat va maintenant bénéficier d’une visibilité financière lui permettant de mieux organiser les interventions sylvicoles à conduire pour le compte des propriétaires forestiers qui l'auront mandaté. Il pourra notamment, en amont du démarrage des interventions, conclure des contrats de culture avec des pépinières. Chaque lauréat est par ailleurs engagé dans des dynamiques de structuration de la filière forêt-bois », a précisé le ministère en charge de l’Agriculture.
Ces 26 candidats sont : Alliance forêts bois ; Association des ETF Nouvelle-Aquitaine / SARL Roussillon ; Cabinet Chaton-Meunier ; Cabinet Forêt Évolution ; Cabinet Gourmain-Barthelemy ; CFBL Coopérative Forestière ; Coforet ; Coopérative Forestière du Nord (Cofnor) ; Coopérative Forêts et Bois de l'Est ; Cosylval ; Fabien Bachelet ; Gascogne forêts services ; GPF Coopérative forestière ; Morgane Pichelin ; ONF – DT Auvergne-Rhône-Alpes ; ONF – DT Bourgogne-Franche-Comté ; ONF – DT Centre Ouest Aquitaine ; ONF – DT Grand Est ; ONF – DT Midi Méditerranée ; Société d'experts forestiers A. Michaut ; Société forestière de la Caisse des Dépôts ; Sophie Pithon ; SRL Daniel Bemelmans ; Sylva bois ; Unisylva ; Vincent Landrot Expert Forestier GFPs.
Par ailleurs, une enveloppe de 15 M€ est prévue pour les propriétaires forestiers individuels souhaitant déposer directement leurs demandes au guichet, sans passer par les lauréats de l’AMI.
Au titre des moyens pré-alloués, 40 M€ ont aussi été affectés au renouvellement des forêts domaniales gérées en métropole par l’ONF et 5 M€ sont prévus pour accompagner les projets exploratoires de renouvellement des forêts d'outre-mer qui font l'objet d'enjeux spécifiques.
Les dossiers dématérialisés de demande d'aide, montés soit par les entreprises lauréates de l’AMI soit directement par un propriétaire ou son gestionnaire peuvent être déposés sur la plateforme dédiée cartoGIP jusqu’au 31 mai 2024.
« Au total, ce financement France 2030 va permettre de renouveler environ 30 000 hectares de peuplements sinistrés (incendie, grêle, sécheresse, ravageurs, agents pathogènes), dépérissants et/ou vulnérables aux effets du changement climatique, ou montrant un trop faible potentiel de bois d'œuvre et de stockage de carbone », a précisé le ministère.