Promouvoir les produits bois au travers de la provenance de la matière première ? La question se pose en termes de sensibilité du consommateur, et celle-ci évolue au fur et à mesure que les préoccupations environnementales deviennent plus prégnantes. Pour les entrepreneurs de la deuxième transformation, ce pourrait être une stratégie porteuse pour l’avenir, vers laquelle des organismes et des collectivités les accompagnent. Les parcs naturels régionaux ont ainsi créé la marque Valeurs parc. De nombreuses collectivités envisagent désormais de promouvoir le bois local dans la commande publique, et ce faisant incitent les entreprises à mettre celui-ci en avant.
L’attention portée aux provenances du bois commence à se développer parmi les consommateurs, tandis que les préoccupations environnementales gagnent du terrain parmi la population. C’est en tout cas l’avis des parcs naturels régionaux qui ont développé la marque Valeurs parc pour toute une gamme de produits, avec à l’origine l’ambition de promouvoir les produits du territoire auprès des touristes.
«Les parcs naturels régionaux s’attachent à la valorisation des ressources naturelles et culturelles propres à chaque territoire. C’est dans cette perspective de développement durable que les 53 parcs ont créé la marque «Valeurs parc naturel régional», déposée par l’Etat et portée localement par les parcs», indique la fédération. «La marque «Valeurs parc naturel régional» a pour but la création d’une plus-value pour l’entreprise selon une démarche de différenciation et d’appartenance au parc. La marque n’est pas un signe officiel de qualité mais une démarche éthique traduisant des valeurs fortes des parcs (lien avec le territoire, environnement préservé et valorisé, dimension humaine) dans la production des produits et des services.»
39 parcs sont engagés aujourd’hui dans la démarche et 261 marquages de produits agricoles et artisanaux et de prestations touristiques ont été effectués. En juin dernier, la marque a été remise, dans le parc naturel régional des Ballons des Vosges, lors d’une journée intitulée «Les outils développés pour la valorisation du bois local» à laquelle participait Fibois Grand-Est, à des scieurs (1) : une première ! Jusque-là les artisans en ayant bénéficié étaient des menuisiers, des charpentiers et des fabricants de jouets (2). S’il est peutêtre encore utopique de voir des touristes fréquenter les Vosges pour s’approvisionner en planches de sapin – l’initiative pourrait toutefois tendre à recréer le continuum émotionnel entre forêt et bois cher à Pascal Triboulot, qui s’interrogeait lors du lancement de Fibois Grand-Est dont il est administrateur sur les raison de la réticence du grand public vis à vis de la récolte de bois (3) – ceux-ci pourraient être tentés par des produits de la deuxième transformation de fabrication locale. Et pas seulement eux. La marque Valeurs parc a pour ambition d’encourager les circuits courts et de faire connaître les produits et les savoir-faire du territoire.
Cette façon de mettre en valeur en même temps que les qualités d’un produit une éthique ou un patrimoine culturel – quasi toujours lié à la ressource locale – a indéniablement le vent en poupe. En témoigne la toute première Indication géographique (IG) attribuée à un produit manufacturé, l’IG «Siège de Liffol» – attribuée en 2016. Il est vrai que pour toutes ces distinctions, aucun réel indicateur n’existe de leur impact en matière commerciale, si ce n’est l’appréciation du vendeur, au vu des résultats de son entreprise. Les stratégies distinctives appliquées aux produits s’adaptent aux types de stratégies d’entreprise avant tout. Au cours d’une conférence, Jean-François Guibert, directeur de French Timber, expliquait que pour ce qui est de l’export de sciages vers l’Asie, un label régional (savoyard, jurassien, vosgien, aquitain...) a peu de chance d’être porteur : les acheteurs potentiels ont toutes les chances d’ignorer l’existence même de ces régions ne connaissant que… Paris. En l’absence d’un label Bois de Paris qui serait apposé sur leurs bois d’export – quel impact aurait-il d’ailleurs ? –, les entrepreneurs ont toute latitude pour distinguer leurs produits à l’attention de leurs clients nationaux, régionaux, ou locaux.
Lors du onzième Congrès Aprovalbois de novembre 2017, au cours duquel les réflexions portèrent notamment sur les tendances de consommation, l’importance de faire rêver le consommateur a été mise en avant avec force. Le directeur général de la tonnellerie de Mercurey y expliquait la stratégie du syndicat des tonneliers en ces termes : «Quand nous recevons les oenologues du monde entier, nous nous adaptons à leur demande : ils veulent voir le feu, l’eau, la noblesse du chêne, les gestes traditionnels que nous avons gardés pour eux ; par ailleurs nous avons automatisé les productions ; nous sommes ici dans le très haut de gamme et nous vendons du rêve, du romantisme». De plus en plus, territoires et savoir-faire font rêver, et il appartient aux fabricants de produits bois massif d’en tirer parti.
(1) Les scieries vosgiennes Duhoux et Mathieu, établies respectivement à Ramonchamp et à Xonrupt Longemer, et la scierie-menuiserie-charpenterie alsacienne Arnold, étabie à Kruth, l’ont reçue.
(2) Liste disponible à l’adresse : www.parcs-naturels-regionaux. fr/consommer-parc/ produits-locaux-et-artisanat
(3) Lire l’article : «Lancement de Fibois Grand-Est : focus sur l’acceptabilité sociale de la récolte», dans Le Bois International n° 23 du 22 juin 2019.
Photo : En juin dernier, la scierie Duhoux s’est vu attribuer la marque Valeurs parc.
