L’idée d’utiliser le bois pour la construction d’éoliennes ne date pas d’hier. « En 2012, la société allemande TimberTower avait construit le premier prototype d’une éolienne en bois de 100 m de haut à Hanovre. Quatre ans plus tard, la première éolienne française en bois développée par InnoVent voyait le jour à Argentan. Malheureusement, aucune des deux entreprises n’a réussi alors à commercialiser son concept, l’éolienne érigée en sol français ayant même dû être démantelée l’année suivant son installation », rappelle le centre d’expertise québécois Cecobois.
Avec 2 millions d’euros investis en recherche et développement, l’ambition de l’entreprise française de construire des mâts hybrides bois et acier de 100 mètres de hauteur a persisté ! InnoVent, société indépendante de développement et d’exploitation de parcs éoliens et solaires en France et en Afrique, est sur le point de faire aboutir son projet. Son dirigeant Grégoire Verhaeghe, à l’origine industriel textile du nord de la France qui avait alimenté dès 1993 le site de la teinturerie textile de « Verhaeghe Industrie » par des éoliennes, a été persévérant. Après avoir recherché des solutions techniques et connu bien des difficultés d’ordre administratif, il a mis en production en avril 2021, première mondiale, sa première éolienne à mât en bois, qui était restée bloquée deux ans par la préfecture de la Haute-Marne. En août 2021, la société a dépassé le stade de prototype en montant la deuxième éolienne à mât en bois. « Notre parc d’Essey-les-Ponts est divisé en deux parcs : Saint-Julien, composé de quatre éoliennes en acier, et Sainte-Anne, qui se composera, à terme, de trois éoliennes à mât en bois et acier », explique InnoVent. Deux des trois éoliennes hybrides bois-acier étaient ainsi en production dès fin 2021.
Le mât en bois et acier présente de nombreux avantages, selon la société InnoVent, parmi lesquels : meilleur recyclage en fin de vie, division par deux de la quantité d’acier, huit fois moins de béton dans les fondations des éoliennes ; production française avec du bois français, usiné en Alsace ; division par deux des émissions de CO2 ; 24 entreprises françaises impliquées sur le projet contre 15 entreprises françaises pour des mâts traditionnels. « On passe de 366 tonnes en conventionnel à 235 tonnes en hybride bois/acier », a précisé Grégoire Verhaeghe. « Au lieu d’une très lourde fondation de béton et d’acier de 880 tonnes, l’écartement des pieds en bois et la réduction du poids de la structure nous permettent de fonder l’éolienne hybride sur quatre pieux d’un mètre de diamètre et vingt mètres de profondeur, pour seulement 130 tonnes » ajoute le fondateur d’Innovent.
Au total, la conception hybride du mât permet, selon Grégoire Verhaeghe, de diviser par deux l’empreinte carbone d’une éolienne de 2 MW, en passant d’une émission de 816 tonnes de CO2 lors de la fabrication d’une machine classique à seulement 358 tonnes pour le modèle à tour hybride.
Crédit photo : InnoVent
En 2020, l’entreprise suédoise Modvion a proposé elle un modèle de mât d'éolienne en bois. Elle a érigé un prototype d’éolienne d’une hauteur de 30 m à Björkö, près de Gothenburg. Sa structure modulaire est conçue à partir de bois lamellé-collé fabriqué à l’usine de Moelven à Töreboda.
Léger, résistant, carboneutre, le bois offre des avantages indéniables pour la construction d’éoliennes selon le président de l’entreprise, Otto Lundman. Il précise que si le prototype complété à Björkö est relativement petit, la construction en modules va toutefois permettre d’ériger des mâts jusqu’à 150 m de haut. Modvion prévoit d’ailleurs de commencer la production commerciale d’éoliennes en bois dès 2022 et a même déjà signé des contrats préliminaires avec deux grands développeurs de parcs éoliens en Suède, a précisé la société.
Crédit photo : Modvion
Partenariat Stora Enso Voodin Blades
Tout récemment, en novembre 2022, vient d’être signé un partenariat entre Voodin Blades, start-up basée en Allemagne qui développe des pales de rotor durables pour les éoliennes, et Stora Enso, l'un des principaux fournisseurs mondiaux de produits en bois massif, y compris de LVL (ou placage stratifié), un matériau de construction adapté à la construction d'éoliennes.
Dans le cadre de cet accord, les deux sociétés s'engagent à développer des alternatives durables pour les pales d'éoliennes et à créer une chaîne d'approvisionnement compétitive et fiable. Ils produisent et installent actuellement une pale de 20 m pour une turbine de 0,5 MW et ont des plans pour une pale de 80 m.
Stora Enso souligne ainsi sa volonté de participer à des solutions innovantes pour remplacer les matériaux moins respectueux de l'environnement par des matériaux renouvelables à base de bois.
« Avec la crise énergétique actuelle et les objectifs ambitieux de décarbonation, l'énergie éolienne n'a jamais été aussi demandée. Grâce à ce partenariat avec Voodin Blades, nous accélérons encore notre capacité à développer une chaîne d'approvisionnement durable et compétitive pour le marché en pleine croissance des pales d'éoliennes », a déclaré Lars Völkel, vice-président exécutif de la division des produits du bois de Stora Enso.
Les pales d'éoliennes sont généralement fabriquées avec de la fibre de verre et de la fibre de carbone, des plastiques non renouvelables à forte consommation d'énergie fabriqués à partir de produits pétrochimiques qui ne peuvent pas être facilement recyclés. Des dizaines de milliers de lames vieillissantes finissent aujourd'hui dans des décharges. En développant des lames avec du bois durable, Stora Enso et Voodin Blades peuvent rendre les lames plus légères et réduire la dépendance globale à l'extraction de combustibles fossiles, indique Stora Enso.
