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L’ONF affine son concept de forêt mosaïque

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Crédit photo ONF / Imageo
La notion de forêt mosaïque, apparue il y a quelques années dans le milieu de la recherche forestière appliquée, est en vogue. Le 19 septembre dernier, l’ONF conviait la presse en forêt domaniale de Moulière, dans la Vienne, pour sa conférence de rentrée, autour de ce thème. Or, plus que l'élément spatial de la gestion (diversification des traitements), ce qui constitue une évolution est le mode de régénération, avec recours à la migration assistée.

Plus de 300 000 ha de forêts publiques concernés par le dépérissement, dont 50 000 ha fortement détruits ; des volumes de bois accidentels étant passés en moyenne nationale de 5 à 7 % jusqu’en 2017 à 25 % aujourd’hui avec un pic de 35 % au paroxysme de la crise des scolytes ; une division par deux du puits de carbone forestier en dix ans : l’entrée en matière de la part de l’ONF a été sombre, visant à justifier la nécessité d’« agir en forêt ». Selon l’établissement public, « l’adaptation naturelle des peuplements forestiers fonctionne bien et de manière forte, mais reste dix fois trop lente face au rythme d’évolution climatique ». À noter que cette évolution est sujette à discussion dans ses causes (capacité ou non à changer le climat de la très faible teneur en carbone d’origine anthropique dans l’atmosphère) et donc dans sa modélisation. C’est sans doute ce qu’évoque l’établissement public quand il évoque la possibilité, selon lui risquée, de « laisser le milieu évoluer librement, sans fortes interventions humaines, au motif que les forêts ont connu et surmonté par le passé l’alternance des périodes glaciaires et interglaciaires ». Pour prouver ce risque, il « transpose l’hypothèse de la libre évolution évoquée pour le climat au sujet de la biodiversité », et conclut que « cela reviendrait à ne rien faire au motif que la nature a connu et surmonté seule cinq extinctions massives d’espèces avant même que l’Homme n’apparaisse sur terre »… Le gestionnaire tente comme il peut de justifier l’accompagnement de l’évolution des forêts face à un changement climatique sur les causes et profils duquel il y a dissensus, jusqu’à en venir au point sans doute crucial : « Essayer de préserver au maximum le niveau des services apportés aux hommes par les forêts ». Finalement, la question importante est : quels services pour quels hommes… peu débattue car emmenant trop loin des forêts…

Agir… en mosaïque

Agir, oui mais comment ? Le concept de « forêt mosaïque » est adopté par l’ONF comme ligne de conduite. Il est ainsi défini par l’établissement : la forêt mosaïque est une forêt qui remplit trois critères, à des échelles de perception variables selon les contextes. Premier critère : une diversité accrue d’essences avec une priorité donnée aux essences résilientes face au changement climatique. Deuxième critère : une hétérogénéité des structures et des peuplements sylvicoles. Troisième critère : une alternance d’espaces boisés et de milieux ouverts, avec des effets de lisière induits.

L’ONF compare encore la forêt mosaïque à « un kaléidoscope de milieux forestiers, qui accroît la résilience face au changement climatique, également très favorable à la biodiversité ». Les plans de gestion définiront une distribution entre espaces non boisés, espaces boisés non exploités et espaces boisés exploités, précise l’Office.

L’ONF a présenté la mise en application de son concept de forêt mosaïque dans la forêt domaniale de Moulière. Cette forêt de 4 192 ha située au nord-est de Poitiers, dans la Vienne, comprend chêne et pins maritimes principalement et abrite le Pinail, 430 ha de landes à bruyères, de mares, de pelouses… Elle est classée Natura 2000. « Les forestiers [y] diversifient les essences et les modalités de travail », indique le gestionnaire, qui a résumé dans un schéma ses grandes orientations :

 

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Crédit photo : ONF

 

On voit que le plan prévoit 167 ha de futaie irrégulière, 117 hectares de futaie régulière de chêne au cycle (140 ans), 36 ha d’îlots de vieillissement avec des arbres de plus de 200 ans, 40,5 ha de surfaces en sénescence (les arbres sont laissés en place jusqu’à décomposition) venant compléter les surfaces mises en réserve biologiques, 447 ha de séries écologiques, et 2 îlots de deux hectares de tests de nouvelles essences (chêne pubescent, sapin de Bornmüller, pin de Brutie et cèdre de l’Atlas). Ces petites touches n’entament pas une gestion plus classique restant prépondérante : 1 588 ha de futaie régulière de chêne sessile gérés sur un cycle de 180 ans et 1 448 ha de futaie de pin maritime (cycle 60 ans), pin laricio (cycle 80 ans) et pin sylvestre (cycle 100 ans).

La régénération naturelle pointée du doigt

Gestion plus classique sauf sur un point ! La visite de parcelles de la forêt de Moulière proposée le 19 septembre dernier a montré que ce sont les méthodes de régénération qui évoluent surtout. D’ailleurs, l’ONF a expliqué que les deux grands principes sur lesquels s’appuyait la gestion de la forêt publique à savoir « priorité à la régénération naturelle » et « priorité à la performance en matière de qualité de bois » sont obsolètes au regard du « climat projeté » et de « l’entrée de nouveaux pathogènes » liés à « l’explosion des flux commerciaux ».

Les visiteurs ont pu découvrir une parcelle de 7 ha de pin et chêne sessile où « la régénération naturelle a été enrichie pour augmenter la résilience face au changement climatique ». « L’itinéraire choisi est celui de la plantation adaptative sous couvert forestier qui permet de doser la lumière et le risque d’insolation sur les jeunes plants en maintenant un ombrage forestier naturel ». En un mot, les parents n’élèvent plus leurs petits mais des petits adoptés. Le choix des essences a été réalisé grâce à l’outil ClimEssence (basé sur les modèles du Giec), explique l’ONF. Ainsi, comme « le pin sylvestre se déshydrate facilement et a tendance à dépérir en présence du chêne », l’ONF a introduit du chêne sessile de provenance méridionale et du chêne pubescent « en complément de la régénération naturelle des chênes sessiles en cours d’acquisition mais dépourvue de semis de pin sylvestre ».

Cette parcelle a bénéficié de l’accompagnement financier de France Relance a précisé l’ONF, qui a dit avoir renouvelé 10 650 ha dans les forêts domaniales françaises au 30 juin 2023 grâce à ce fonds (37 % de plantations purement préventives, 9 % de plantations de confortement de peuplements, 54 % de plantations curatives). Les essences principalement utilisées sont les chênes sessile et pédonculé (25 %), le pin maritime (14 %), le cèdre (10 %), le douglas (9 %), le chêne pubescent (7 %), le pin laricio de Corse ou de Calabre (5 %), le pin sylvestre (3 %), le mélèze (2 %).

L'accompagnement financier de France Relance a favorisé la régénération assistée avec espèces de provenance exotique et la migration assistée (régénération assistée avec objectif d'hybridation), ce dernier concept restant discuté. On pourra lire à cet égard l'excellent article de Michel Bartoli dans la Forêt privée n°367 de mai-juin 2019, "Réflexions critiques sur la migration assistée".

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