Le Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui estime que le secteur des énergies renouvelables dispose des capacités industrielles pour satisfaire 45 % de notre consommation d’énergie finale dès 2030 (contre 19,1 % en 2020), a salué un engagement très fort envers les énergies renouvelables de la part du Gouvernement après le vote de la loi relative à l'accélération de leur production, ce 7 février.
Diviser par deux le temps de déploiement des projets et revenir dans la moyenne des autres pays européens, telle est l’ambition affichée par le ministère de la Transition énergétique. L'État entend décupler la production d'énergie solaire pour dépasser les 100 GW, déployer 50 parcs éoliens en mer pour atteindre 40 GW et doubler la production d'éoliennes terrestres pour arriver à 40 GW.
Le secteur dit des « bioénergies », dont l’énergie du bois, est plus circonspect – pour le moins – ce que traduit la réaction de Frédéric Douard, créateur de Bioénergie internationale, qui note que le texte du projet de loi (version du 24 janvier 2023), « c’est 118 pages, 32 articles, 37 694 mots. Le mot bois n’est pas cité une seule fois, le mot biocarburant est cité une fois et le mot biomasse 4 fois pour dire qu’elle n’est pas oubliée ».
Selon lui, deux tiers des énergies renouvelables de France sont exclues, alors que celles-ci ont été produites à 53 % par la biomasse en 2021 (bois-énergie 36 %, biocarburants 6 %, biogaz 5 %, déchets renouvelables 4 %, agrocombustibles 2 %). Et que la demande pour l’énergie du bois a explosé depuis cet hiver.
« Or dans le projet de loi, pas une seule disposition pour les biomasses solides et liquides », souligne Frédéric Douard, qui voit dans la loi « une loi d’accélération de la production d’électricité renouvelable intermittente en France ».
C’est vrai que l’électrification des usages semble de mise, ce que ne dément pas le SER : « Aujourd’hui, 60 % de notre consommation finale d’énergie repose sur les fossiles et cette part devra disparaître entièrement à l’horizon 2050, soit dans moins de 10 000 jours ! Pour y parvenir, au-delà des efforts de sobriété, nous devrons développer considérablement la chaleur et le gaz renouvelables, et augmenter l’électrification des usages. D’ici à 2035, seules les énergies renouvelables pourront répondre à ce défi ».
Électricité, mais pas issue du bois
Bioenergie international entraperçoit derrière cette loi le redéveloppement massif du nucléaire.
Tout pour l’électricité, c’est ce qui se profile ? Rappelons que la 5G a commencé à être déployée pendant l’état d’urgence sanitaire déclaré par le Gouvernement français en 2020. Dans le rapport du Haut Conseil pour le climat de décembre 2020 intitulé « Maîtriser l’impact carbone de la 5G », il est précisé que l’empreinte carbone comme la consommation d’électricité vont augmenter significativement du fait du déploiement de la 5G. « En conséquence, ces émissions et cette demande d’électricité supplémentaires pour le numérique impliqueront de réduire d’autant plus les émissions et la demande d’électricité des autres secteurs de l’économie », précise le Haut Conseil. Ou de produire plus d’électricité ?
Quoi qu’il en soit, et en contradiction au premier abord avec cette stratégie de l’électrique, les amendements sur la biomasse, faisant partie de la directive européenne sur les énergies renouvelables, votés en plénière au Parlement européen mercredi 14 septembre, ont déconseillé aux États les subventions pour la biomasse utilisée dans les centrales électriques (ils ont par ailleurs incité à la réduction progressive du bois primaire comme énergie renouvelable, ce qui a suscité la réaction de la filière bois en France). Le texte final est attendu dans les prochains mois, après une négociation tripartite Parlement européen/États membres/commission.
« En outre, afin de garantir une utilisation plus efficace de la bioénergie, à partir de 2026, les États membres ne devraient plus accorder de soutien aux installations exclusivement électriques, sauf si les installations se trouvent dans des régions ayant un statut d’utilisation spécifique en ce qui concerne leur abandon des combustibles fossiles, si elles utilisent le piégeage et le stockage du CO2 ou si elles ne peuvent pas être modifiées en installations de cogénération, dans des cas exceptionnels et justifiés et après approbation de la Commission », précise le texte, dans lequel on trouve aussi : « L’électricité renouvelable peut également être utilisée pour produire des carburants de synthèse destinés à des secteurs du transport difficiles à décarboner, tels que l’aviation et le transport maritime » !
Si des usages du bois développés ces dernières décennies, tels que la cogénération, sont mis de côté, en faveur de quels usages le sont-ils ? « Avec l’adoption de l’Inflation Reduction Act (IRA), le gouvernement fédéral américain a déclenché un torrent d’investissements dans les énergies renouvelables, en particulier le carburant d’aviation durable (SAF) », notait le 8 février un analyste de Forest2Market, évoquant aussi le « grand défi de Biden », le « Sustainable Aviation Fuel Target ». « Les subventions lucratives accordées dans l’IRA sont un catalyseur important », ajoute l’analyste qui dit encore que peu de choses se passeront en 2023 si ce n’est des études, de l’ingénierie, de la planification de projet…
Le bois est-il mis de côté provisoirement de la stratégie « énergie renouvelable » pour plus tard, et pour d’autres usages que ceux actuellement répandus, comme le SAF ?
Zones forestières protégées du photovoltaïque
L’article L. 111-32 du nouveau texte dispose que « les constructions et les installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire implantées sur les sols ne sont pas autorisées dans les zones forestières lorsqu’elles nécessitent un défrichement, au sens de l’article L. 341-1 du Code forestier, soumis à évaluation environnementale systématique en application de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement ou lorsque le terrain d’emprise du projet photovoltaïque a fait l’objet d’une autorisation de défrichement répondant aux mêmes conditions dans les cinq années précédant la demande d’autorisation d’urbanisme ». Parmi les points représentant, selon lui, de véritables reculs par rapport au droit existant, le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a pointé l’institution « d’un régime réglementaire discriminatoire – différent de celui applicable à toutes les autres activités économiques ! – pour les projets solaires en zone forestière ».