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Les professionnels chinois du bois produisent, ceux d'Occident se protègent…

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<p>Port de Rizhao, capitale émergente du bois en Chine.</p>

Crédit photo reduper.com
… ou tentent de le faire. Estimant que ce commerce a « atteint un niveau insoutenable et risque de compromettre la viabilité de l'industrie (de l'UE) », l’Organisation européenne de l’industrie du sciage (EOS) et d’autres associations de transformateurs du bois ont demandé en vain des restrictions sur les exportations de grumes de chêne à la commission européenne, qui a contre-argumenté. De leur côté, les professionnels des États-Unis sont difficilement parvenus à obtenir le maintien de certains droits de douane existants pour les cinq prochaines années. La Chine, qui a vu son industrie fleurir après son entrée dans l’OMC (issue de la volonté des gouvernants occidentaux) en poursuit le développement, comme elle l’a indiqué lors de sa grande conférence de l’industrie du bois venant de se tenir à Rizaho.

L’Organisation européenne de l’industrie du sciage (EOS) a tenu son assemblée générale à Bruxelles les 19 et 20 juin 2023, organisée par la Confédération Belge du bois. Ses membres, rappelle l’EOS, couvrent onze pays (Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France, Allemagne, Lettonie, Norvège, Roumanie, Suède et Suisse) et représentent environ 77 % de la production européenne de sciages. Le rapport annuel EOS a été présenté à l’occasion de cette réunion. Il indique qu’en 2022, la production a diminué d’environ 4 à 5 % tant dans le secteur du bois résineux que dans celui du bois feuillu. Selon le secrétariat d’EOS, il faut s’attendre cette année à une nouvelle contraction, dans un contexte macroéconomique difficile qui a un impact négatif sur le secteur de la construction*.

L’EOS estime que la production totale de sciages dans les onze pays membres ainsi que le Royaume-Uni et l'Italie (inclus en tant que consommateurs importants) a été de 92,3 millions de m3 en 2022 (soit donc une baisse de 4 % par rapport à 2021). La production de sciages résineux dans ces pays a chuté de 4 % à 86,6 millions de m3 en 2022 mais était encore au deuxième niveau annuel le plus élevé depuis l'exercice 2008. La production de sciages résineux dans ces pays a été en hausse quasi continue entre 2013 et 2021. La production de sciages feuillus dans les pays EOS a été en baisse de 6 % à 5,7 millions de m3 en 2022. En 2023, l’EOS prévoit que la production totale de sciages dans ces pays diminuera encore de 2 % à 90,1 millions m3, avec une production de sciages résineux en baisse de 2 % à 84,6 millions de m3 et une production de sciages feuillus en chute de 4 % à 5,5 millions de m3. En ce qui concerne les feuillus, l'EOS observe que les trois plus grands pays producteurs de bois – Roumanie, France, et Allemagne – ont tous signalé des baisses importantes en 2022. Cela était davantage dû à des contraintes d'approvisionnement en grumes qu'à une baisse de la consommation, même si le ralentissement de la demande a été une caractéristique majeure du marché, notamment en Allemagne et Roumanie, au second semestre de l'année dernière, analyse dans son « Tropical Timber Market Report » l’ITTO, qui poursuit : « Les données d'importation de la Chine indiquent des importations de grumes de chêne des pays européens (hors Russie) de 981 000 m3 en 2022, en hausse de 20 % par rapport aux 818 000 m3 mètres l'année précédente ».

« Emballement des exportations »

« L’année 2022 s’est déroulée de façon différenciée pour le feuillu et le résineux. En feuillus la demande a été bonne toute l’année aussi bien sur le marché national qu’à l’exportation. Les conditions de fret et de change n’ont pas modifié significativement le marché. En réalité la demande a été bridée par une offre insuffisante, particulièrement en chêne. Pour le hêtre, c’est la quantité de hêtre dépérissant qui caractérise l’année et signe l’impact du changement climatique sur les forêts. Par ailleurs l’année 2022 constitue un record historique des exportations de grumes de chêne à destination de la Chine. Plus de 30 % de la récolte a été détournée de sa finalité. Cet emballement des exportations coïncide avec l’embargo posé par la Russie sur ses exportations de grumes. Il est à noter, une fois n’est pas coutume, l’absence de réaction de la Commission européenne pour qui l’aberration économique et écologique de ces exportations et de ces mesures unilatérales n’est pas une priorité. Pourtant la souveraineté est une thématique qui devrait mobiliser l’Europe. Globalement, les scieries de chêne ont réduit leur activité de 25 % pour s’adapter à la pénurie d’approvisionnement et les cessations d’activité se multiplient », a souligné pour sa part le représentant français (FNB) de l’EOS dans le rapport annuel. Et encore : « En termes d’activités, ce qui caractérise ces derniers mois c’est la hausse vertigineuse des charges que les scieries doivent « digérer » : prix de l’électricité, salaires, transport dans un contexte de prix des grumes élevé ».

La commission contre-argumente

La forte augmentation du volume de grumes de chêne européen exporté vers la Chine en 2022 a conduit l’EOS avec d’autres associations de la filière bois ‒ la Fédération européenne du panneau (EPF), la Fédération européenne de l'industrie du parquet (FEP), la Confédération européenne des industries de l'ameublement (EFIC), la Fédération européenne du mobilier de bureau (FEMB) et la Fédération italienne Federlegno, avec l'aide de la société juridique Van Bael et Bellis, à interpeller la Commission européenne (CE) pour lui montrer que ce commerce a « atteint un niveau insoutenable et risque de compromettre la viabilité de l'industrie (de l'UE) ».

À ce jour, selon l’analyse de l’ITTO, la CE n'a pas été convaincue de la nécessité de limiter les exportations de grumes de chêne pour plusieurs raisons :

• Il existe un risque de représailles, car la Chine pourrait prendre des mesures en réponse à toute action limitant l'exportation de grumes (à la fois dans l'industrie du bois et dans d'autres secteurs) ;

• Les opérateurs chinois ou européens permettent d'étendre le nombre de clients potentiels pour les propriétaires forestiers : ce qui est mauvais pour l'industrie du bois est bon pour les propriétaires forestiers. C'est un résultat du marché selon la CE, qui a conseillé à l'industrie européenne de négocier et de trouver solutions locales avec les propriétaires forestiers ;

• La CE n'a pas reçu de preuves factuelles prouvant un cas de pénurie critique d'un produit essentiel où les intérêts de l'UE exigent une intervention. Les enquêtes menées par les bureaux de la CE à Pékin n'ont apporté aucune preuve que le commerce chinois d'importation de grumes et l'industrie de transformation associée sont subventionnés en violation des règles de l'OMC.

Cependant, l’EOS a noté que la CE est « intéressée à maintenir la discussion vivante et que des actions pour limiter l'export des grumes ne peuvent être complètement exclues ».

Les professionnels américains en lutte

L’ITTO rapporte par ailleurs que les professionnels américains du bois feuillu ont lutté pour leur part pour que les droits de douane sur le contreplaqué de feuillus chinois et le parquet se perpétuent. L’organisation américaine « Decorative Hardwood Association » a indiqué que la Commission du commerce a examiné l'opportunité de les supprimer après cinq ans selon ce qui est requis par la Loi sur les Accords du Cycle d'Uruguay, et qu’elle a finalement décidé que les droits existants sur le contreplaqué de feuillus chinois resteront en place pour les cinq prochaines années. La Commission du commerce international des États-Unis a déclaré que la suppression des droits antidumping et compensateurs existants sur les contreplaqués de feuillus de Chine causerait des dommages substantiels à l’industrie américaine du revêtement de sol en bois. Elle a également statué sur le fait que les droits existants sur les revêtements de sol en bois d'ingénierie chinois resteront en place pendant les cinq prochaines années. L’association a déclaré qu’elle avait dû mener une lutte opiniâtre pour parvenir à ce résultat.

« Capitale émergente du bois en Chine »

Le 11 juillet 2023, le journal chinois people.cn publiait un article repris du Rizhao Daily intitulé : « La montée en puissance de la « capitale émergente du bois en Chine ». Il fait allusion à la ville chinoise de Rizhao, dans la province du Shandong. Au vu de son fort potentiel de développement dans le commerce et l’industrie du bois, celle-ci a été choisie pour accueillir à partir du 7 juillet 2023 la « Conférence mondiale sur le bois et les produits du bois » chinoise. « Des représentants de 14 pays, des négociants en bois, des invités d’organismes de certification et des experts de premier plan d’entreprises forestières nationales et d’instituts de recherche scientifique se sont réunis à Rizhao pour prendre le pouls du marché mondial du bois et partager sur le développement de l’industrie » a indiqué le journal. « La première chose à regarder est l’avantage géographique de la ville de Rizhao, le port de Rizhao dans le Shandong est devenu un centre national de distribution de bois d’importation après un développement rapide ces dernières années. 12 % du bois importé du pays entre dans le pays depuis le port de Rizhao, et peut rayonner dans tout le pays. […] Après 18 ans, l’industrie du bois dans le district de Lanshan est passée de 7 marchands (venus en 2005 du Fujian à Lanshan pour investir dans l’industrie du bois) à des dizaines de milliers », précisant que l’industrialisation se poursuit. En 2005, il n’y avait que quelques petites lignes de production de type atelier dispersées, et effectuant un traitement brut, précise le journal. « Cependant, les marchands ont trouvé un potentiel de développement industriel grâce au port et aux avantages logistiques du district de Lanshan. »

Lanshan est devenue la plus grande zone côtière et la plus grande base de transformation, de transit et de distribution pour le bois importé, et est connue comme « la capitale émergente du bois de la Chine ». À l’heure actuelle, le port d’Arashiyama dispose de 9 postes d’amarrage spéciaux pour la réception et le déchargement du bois, avec une capacité annuelle de réception et de déchargement de 1 000 millions de mètres cubes, et son activité implique plus de 30 pays et régions tels que la Russie, la Nouvelle-Zélande, les États-Unis, le Canada, le Brésil, l’Uruguay, l’Allemagne, la Pologne, etc., précise encore le Riazho Daily.

Le district de Lanshan a rapidement attiré des grappes d’industries du bois, et les entreprises de commerce et de transformation du bois sont passées à plus de 400. Parmi eux, il y a plus de 360 entreprises de transformation du bois, et plus de 700 outils de sciage ont été installés, tandis que la capacité annuelle de transformation du bois a atteint 700 millions de mètres cubes, selon le journal qui évoque « une chaîne mature d’importation-sciage-séchage-traitement-utilisation complète des déchets, dont les produits rayonnent vers Lunan, le nord du Jiangsu et du Henan, le Shaanxi, le Shanxi, le Gansu, le Sichuan et d’autres endroits ».

Le journal rapporte les propos de Lu Tonghua, président du Millennium Boat Group : « Nous sommes prêts à continuer d’investir dans les deuxième et troisième phases du projet, du traitement des grumes aux matériaux de construction préfabriqués, en passant par l’utilisation complète des déchets, pour fabriquer des produits de grande valeur ». Au cours des prochaines années, le district de Lanshan visera à construire une zone de démonstration de commerce et de transformation du bois importé à faible émission de carbone au niveau national.

La politique de l’OMC a visé à favoriser l’économie virtuelle et les fonds d’investissement globaux se sont enrichis, au travers notamment des « ateliers du monde », dont a fait partie la Chine… qui s'en est émancipée. Mais au contraire de l'économie virtuelle, l’économie réelle en a bel et bien pâti en Europe. Certains avancent que l’économie virtuelle et l’économie réelle sont en guerre**… Ce qui est certain, c’est que les combattants de la deuxième se heurtent à la Commission européenne…

* Rappelons que selon l’étude récente du cabinet Altares, les faillites d’entreprises en France dépassent désormais les niveaux prépandémie : 13 266 sauvegardes, redressements et liquidations judiciaires (dont 90% de TPE) du 1er avril au 30 juin 2023 contre 13 000 au printemps 2017, et que le secteur de la construction affiche la même progression que l’ensemble des entreprises pour les faillites : progression de 35 % sur un an au 2e trimestre 2023.

** C’est le propos de l'historien des religions et chercheur en géopolitique Youssef Hindi, notamment.

Nouveau conseil d’administration pour l'EOS

Un nouveau conseil d’administration d’EOS pour la période allant de juin 2023 à juin 2025 a été élu lors de l’assemblée générale de juin 2023 :

Président : Herbert Jöbstl – CEO de Stora Enso Wood Products (Autriche) – IIe Mandat

Vice-président Bois résineux : Ernest Schilliger – CEO de Schilliger Holz AG (Suisse) – Ve Mandat

Vice-présidente Bois feuillus : Maria Kiefer-Polz – Responsable des ventes de la production européenne de bois de feuillus (Autriche) – Mandat III

Autres membres du conseil d’administration :

Tino Aalto – Directeur Général de l’Association finlandaise des scieries Sahateollisuus (Finlande) – Ier mandat

Nicolas Douzain-Didier – Directeur de la Fédération nationale du bois (France)

Mathias Fridholm – Directeur de Skogsindustrierna (Suède)

Kristaps Klauss – Directeur exécutif de l’Association lettone des producteurs et exportateurs de bois – Ier mandat

Stephan Lang – PDG de Rettenmeier (Allemagne)

Ciprian Muscă– Président de l’ASFOR (Roumanie)

Thomas Sève – Directeur général de Monnet-Sève SA Sève (France)

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