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Le 13e Forum bois construction veut « stocker le carbone »

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<p>Il y a un an, à l'occasion d'une rencontre avec des écoliers de La Chapelle-aux-Bois, l'ONF faisait le bilan de la replantation d'une parcelle « 11e Forum bois construction », après le terrible été 2022.</p>

Crédit photo J. Tophoven
Rendez-vous annuel de la construction biosourcée, le Forum bois construction se réunit du 3 au 5 avril pour la 5e fois à Épinal (Enstib) et Nancy (Centre Prouvé). Cela fait plusieurs éditions que ce congrès s’intéresse à la ressource forestière, au point d’inciter ses participants à acheter des plants pour différentes parcelles de reboisement en France.

La situation dramatique de la forêt française, européenne et mondiale attire l’attention sur la ressource utilisée par les acteurs de la construction biosourcée. Les acteurs de ce marché défendent un mode de construction alternatif au béton, en parfaite connaissance de cause des enjeux écologiques. Depuis Kyoto, les architectes savent que le bois stocke du carbone, et en France, nombreux sont ceux qui ont orienté toute leur carrière en fonction de cela, depuis 30 ans.

Un capital record

Selon l’IGN, la forêt française stocke 2,8 milliards de m3 de bois en 2022, contre 1,8 milliard de m3 en 1985. Plus un milliard de m3 en 37 ans. Il n’est pas vain de prétendre que la forêt française a sans doute passé la barre des 2 milliards de tonnes de CO2 sur pied, et sans doute 4 milliards de tonnes en comptant le carbone forestier au sol. Comme la surface de la forêt française a quasiment doublé depuis 1850, on peut dire qu’elle atteint un stockage record depuis le Moyen Âge. Depuis 2014, on note cependant l’impact du changement climatique et une réduction de la capacité de stockage nette à cause des attaques sanitaires, des sécheresses et sans doute de l’exploitation. Désormais, les incendies augmentent le risque de destruction partout en France.

Vers une sylviculture agile

La catastrophe climatique fait courir un grand risque à l’ensemble de la forêt métropolitaine, avec la perspective d’une double peine : la destruction du capital carbone stocké et son relargage massif, mais aussi la perte du potentiel de captation de carbone durable par les arbres qui sont morts. Actuellement, les récoltes de bois sont de plus en plus souvent commandées par des considérations sanitaires. Il est difficile de récolter un arbre au bon moment, avant qu’il ne meure, quelque part au milieu de la forêt, et difficile d’exploiter en construction une mortalité transversale, indépendante de l’âge des arbres. Cela ne correspond pas vraiment aux modes sylvicoles pratiqués. Il existe cependant de nouveaux outils, comme les drones et lidars, qui permettent de repérer les arbres dépérissants, et bientôt de nouveaux modes de débardage, comme les dirigeables présentés au Forum bois construction de Lille en 2023 (Flying Whales).

Construire en bouleau

La transformation climatique nous demande de conserver le carbone d’une grande variété d’essences dont de nombreux feuillus. Le bon sens écologique impose une utilisation locale et constructive de ces essences, même si la réalité du marché français limite la construction à l’épicéa, au douglas, aux pins, au mélèze et très marginalement au peuplier, au hêtre, au chêne. Il n’y a quasiment pas de marché de construction pour le frêne ou le châtaignier, malgré la publication de techno-guides il y a dix ans. Il est cependant possible d’utiliser un grand nombre d’essences en aménagement intérieur avec une très longue durée de stockage de carbone. Les essences replantées pour une meilleure adaptation au changement climatique posent elles aussi le problème de leur adéquation à la construction et à l’aménagement.

Stocker le carbone dans le bâti

Il n’existe que la construction ou la rénovation pour produire des systèmes permettant un très long stockage de carbone, d’autant plus que ces systèmes évoluent pour permettre une réversibilité ou un réemploi. Surtout, il faut réserver d’autorité de la place au stockage très longue durée, par la construction et la rénovation, des bois récoltés pour des raisons sanitaires ou les chablis.

Stocker le carbone, c’est développer une filière qui permette de conserver au mieux le capital carbone de 2,8 milliards de m3 de bois français sur pied. Mal jouer, c’est relarguer 2 milliards de tonnes de CO2, plus le CO2 des sols forestiers, couper la possibilité de capter durablement le carbone humain. Ce n’est pas une option. La seule possible consiste à récupérer le bois dépérissant et à valoriser son stockage de carbone tout en permettant à la forêt de se reconstituer par l’adaptation des essences autochtones et la replantation d’essences nouvelles. En complément, si possible, du développement de la captation de carbone durable dans les zones agricoles ou artificialisées, massivement.

Défendre la biomasse

L’industrie du bois joue son rôle climatique comme elle peut. L’économie de la biomasse est vertueuse face à l’asphyxie provoquée par les produits manufacturés inertes dont, selon le climatologue Schellnhuber, la masse totale a rejoint celle de la biomasse à l’échelle de la planète. Le Forum continue à présenter les bonnes pratiques architecturales actuelles, qui sont le fruit de l’industrie du bois européenne, mais ne peut faire abstraction de l’impératif climatique et de la nécessaire adaptation de la filière forêt-bois à une autre sylviculture, une autre transformation, une autre construction.

Tracer une mutation

De plus en plus souvent, le Forum a la possibilité de montrer comment la filière française ou internationale s’adapte à ces nouvelles réalités. Il ne s’agit pas de laisser tomber la construction bois traditionnelle qui révèle actuellement un savoir-faire hors pair, mais d’aider à transposer cette maîtrise vers ce que l’impératif climatique exige aujourd’hui.

Dans la continuité des secondes Assises régionales de la forêt et du bois du Grand Est, le 13e Forum bois construction prend acte de la nécessité de gestion du stock de carbone forestier sur pied et dans les sols. Il met à nouveau le doigt sur l’économie carbone de la transformation, de la construction et du réemploi en s’appuyant comme toujours sur la réalité constructive française et européenne, donc sur les réalisations effectives, marquantes et récentes.

À l’école des parcelles

Dans cet esprit, le Forum demande à tous ses amis de soutenir ses actions d’écoconception, et notamment le financement des parcelles de reboisement dont la multiplication et l’analyse à chaque congrès permettent de mieux comprendre, sur des cas précis, la réalité de la situation forestière, tout comme les projets de construction, de rénovation ou d’aménagement livrés et concrets permettent de mieux d’appréhender la réalité de l’aval.

Dès janvier 2024, de nouveau mécanismes financiers vont se mettre en place pour « compenser » les émissions humaines, et la forêt y jouera un rôle clé. Conjugué avec les interrogations sur le puits de carbone forestier, il s’agit d’un mélange d’autant plus détonant que rien ne permet aujourd’hui d’assurer une entrée en vigueur de la RE2025 le 1er janvier 2025. La « crise » de l’immobilier de logement et l’effondrement paradoxal des ambitions climatiques européennes risquent de pousser le gouvernement à décaler cette étape vers début 2027, puisque la RE2020 n’est entrée en vigueur que le premier janvier 2022.

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<p>La parelle « 10e Forum bois construction » de la commune de Belleau, au nord de Nancy, associe des mélèzes et du cèdre de l'Atlas. La replantation a bien résisté à l'été 2022 et fait l'objet d'un suivi régulier au Forum.</p>
Crédit photo : F&amp;amp;BE-UCFF

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<p>La parcelle « 12e Forum bois construction » de la commune de Carency, près d'Arras, remplace une frênaie chalarosée. La compensation des 150 tonnes d'émissions des trois Forums ne sera entamée dans le meilleur des cas que dans une quinzaine d'années.</p>
Crédit photo : J. Tophoven

Menaces sur l’économie du carbone

Repousser le RE2025 au-delà de janvier 2025, ce serait repousser le moment où les discours sur le bas carbone deviendront enfin, même marginalement, une réalité dans le monde de la construction. 2027 est l’année de l’élection présidentielle, tout comme 2024 sonne comme un référendum européen vital pour le prolongement de son existence et de ses ambitions climatiques. En 2023, alors que le réchauffement climatique s’accélère avec des conséquences dramatiques qui n’échappent à personne, les perspectives sont inquiétantes, pour l’homme mais aussi pour le remède que constitue la construction bio et géosourcée.

Heureusement, l’appel à projets pour la constitution du programme de la 13e édition du Forum fait apparaître une grande richesse de réalisations vertueuses. La dynamique frugale n’a pas été stoppée par la pandémie, ni pour l’instant par la doctrine des sapeurs-pompiers de la préfecture de police de Paris. Le Forum présentera une multitude de réalisations dont on ne pouvait que rêver quand ce congrès a été créé. La société française récolte actuellement le fruit de dizaines d’années d’efforts entrepris par des citoyens et citoyennes pour rendre la construction soutenable. Le savoir-faire est là et il est bien maîtrisé au niveau national. Sa pertinence est évidente. Mais il faut la soutenir dans une période qui s’annonce troublée.

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