Bérangère Abba, secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée de la Biodiversité, a listé les axes structurant retenus dans le cadre du Congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature, ayant eu lieu à Marseille du 3 au 11 septembre :
- l’axe « restauration et protection des écosystèmes », qui intégrera la Stratégie nationale des aires protégées, la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation et le Plan national de protection des zones humides, de même que les objectifs chiffrés fixés aux échelles européenne et internationale et des mesures concrètes : lancement du processus d’identification d’un parc national dédié aux zones humides ; création d’espaces protégés ; restauration de tourbières et zones humides, de trames vertes, de la continuité écologique du Rhin ; lutte contre la pollution lumineuse ; adoption de plans nationaux de protection d’espèces protégées ; publication du plan national d’action du dugong à Mayotte ;
- l’axe « utilisation durable et équitable des services et ressources de la biodiversité » traitera de la lutte contre l’artificialisation, de la transition agro-écologique, des échanges commerciaux, des engagements pris par les acteurs économiques, et des dispositifs de financement des politiques de biodiversité ;
- l’axe « Mobilisation de la société par la sensibilisation et la formation aux nouveaux métiers » ;
- l’axe « Gouvernance de la stratégie », axé sur un dispositif de pilotage inclusif ; sur des indicateurs et des cibles chiffrées ; sur un principe de redevabilité incitant à la responsabilisation des acteurs et à la transparence de leurs actions.
La question du financement des politiques de la biodiversité a été abordée à l’issue de cette présentation, dans une table ronde. Les pistes ayant été évoquée sont : la réorientation de la fiscalité pour une meilleure prise en compte de la biodiversité et notamment pour mieux protéger les espaces naturels, la prise en compte de la biodiversité dans « le budget vert » de la loi de finances, afin de mieux cibler les dépenses publiques dommageables à la biodiversité et de travailler à leur élimination, des incitations favorables au développement des obligations réelles environnementales, des outils innovants de financement de la biodiversité, illustrés par l’exemple du label bas carbone appliqué à la protection des herbiers de posidonie.
Quelques jours avant sa présentation des axes de la Stratégie nationale pour la biodiversité 2021-2030, la secrétaire d’État auprès de la ministre de la Transition écologique, chargée de la Biodiversité, avait annoncé la parution au Journal officiel du classement des parcs naturels régionaux Doubs horloger et Corbières-Fenouillèdes, les 57e et 58e, respectivement situés en Bourgogne-Franche-Comté et en Occitanie.
Concernant l’objectif de « mobilisation de la société par la sensibilisation » de la stratégie, des associations ont devancé l’État ! C’est le cas depuis longtemps, mais ce fut, à l’occasion du congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature, d’une manière retentissante par l’annonce, le 9 septembre, qu’elles lançaient « la première étape d’une action en justice sans précédent contre l’État français pour manquement à ses obligations de protection de la biodiversité ». Les deux associations – Notre Affaire à Tous, association de juristes à l'origine de l’Affaire du siècle, l’action en justice pour le climat, et Pollinis, qui se bat pour la protection des abeilles domestiques et sauvages, et pour une agriculture qui respecte tous les pollinisateurs – visent notamment « les défaillances notoires du processus d’autorisation et de mise sur le marché des pesticides, cause majeure du déclin massif de la biodiversité », ont-elles expliqué. Elles entendent faire reconnaître la faute de l’État dans la sixième extinction de masse. Au niveau mondial, rappellent-elles, plus de 40 % des espèces d’insectes sont en déclin, dont 30 % menacées d’extinction (Revue Biological Conservation (2019)) et tous les insectes pourraient avoir disparu de la surface de notre planète dans 100 ans (Académie des Sciences PNAS (2021)). En Europe, la masse des insectes ailés a déjà diminué de 75 % en moins de trente ans. En première ligne, les insectes pollinisateurs, tels que les abeilles, dont dépendent 84 % des espèces cultivées en Europe (Rapport d’information du Sénat (2017) ; Rapport IPBES (2016)).
« Malgré tous les discours, et au mépris des lois et des conventions nationales, européennes et internationales, l’État français a failli à mettre en place un système d’homologation des pesticides réellement protecteur des pollinisateurs et de la faune en général, estime Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis. Les chiffres de l'effondrement en cours sont effroyables. Ce déclin généralisé de la biodiversité aura des conséquences dramatiques sur les équilibres du vivant et menace l’avenir des prochaines générations », selon les deux associations. « L’une des causes majeures du déclin généralisé de la biodiversité est le recours immodéré et systématique aux pesticides, or la France est toujours, en valeur absolue, parmi les plus gros consommateurs de pesticides d’Europe. Tous les plans Écophyto de réduction des pesticides ont échoué. Les néonicotinoïdes, particulièrement toxiques et dommageables, viennent de bénéficier d’une dérogation et le glyphosate ou les fongicides SDHI sont encore en usage. Plus grave encore, comme le démontrent les deux associations, les pesticides nocifs pour le vivant sont autorisés sans contrôle rigoureux et sans évaluation pertinente de leurs effets réels sur la biodiversité. Aujourd'hui, c’est l’ensemble des territoires qui sont contaminés durablement par une pollution diffuse, les molécules se retrouvant à long terme dans les sols, l’air, les cours d’eau et les nappes phréatiques ».
À travers le lancement de ce recours en carence fautive visant à voir reconnaître le préjudice écologique, les associations demandent donc à l’État de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection du vivant et, en conséquences, de mettre à jour le processus d’homologation des pesticides. Si la réponse du Gouvernement n’est pas satisfaisante d’ici deux mois, elles procéderont au dépôt du recours de plein contentieux devant le tribunal administratif de Paris, indiquent-elles.