« La faiblesse des marchés du bois d’œuvre entraîne une baisse de 10 % des prix mondiaux des grumes de sciage par rapport au sommet historique de 2022 », a déclaré le cabinet ResourceWise. Spécialisé dans « l’intelligence d’affaires », celui-ci fournit des données et des analyses sur les marchés de matière première et notamment sur ceux de produits forestiers. Il produit l’indice mondial des prix des grumes de sciage (GSPI). La baisse n’est toutefois pas générale : certains pays ont connu une hausse des coûts au cours des 12 derniers mois.
La baisse est effective en Amérique du Nord. « Les régions de sciage du Pacifique, plus particulièrement en Colombie-Britannique, ont continué de ressentir les effets de l’évolution du marché. Plusieurs usines ont déjà fermé leurs portes, et d’autres usines de pâte à papier suivront probablement dans la région », a précisé le consultant.
Cette défaillance d’entreprises a plusieurs causes, explique-t-il, dont l’une est le trou de récolte dû à la pullulation du dendroctone du pin. C’est face à la difficulté de s’approvisionner en grumes que des sociétés ont dû fermer. Mais aussi face à la difficulté de s’approvisionner en argent, certains investisseurs boudant le secteur en lien avec les risques de feux de forêt ! Bref, à une pénurie de grumes succède une baisse de leurs prix faute d’outils de transformation…
Certaines entreprises se sont déplacées vers le sud des États-Unis où la matière première est plus abondante et le marché plus porteur. « Les prix des grumes de sciage dans le sud des États-Unis ont connu de légères augmentations en 2022. Au premier trimestre de 2023, cependant, ils avaient également chuté d’environ 8 % d’une année sur l’autre. En termes nominaux, il s’agit du montant le plus bas que la région ait connu en 25 ans », a expliqué ResourceWise.
Des hausses de prix : par étouffement ou par expansion !
La situation est différente en Europe, mais seulement chez les mastodontes du bois que sont la Finlande et la Suède : le consultant rapporte pour eux un bond de 10 % des cours des grumes de sciage. En effet, les transformateurs de ces pays comptaient jusqu’en 2022 sur des grumes russes, qui leur ont été soustraites par des mesures politiques (sanctions contre la Russie). « Des pays comme la Suède ont compensé cette perte en recherchant des grumes de sciage dans des pays comme la Lettonie et l’Estonie, ce qui signifie des prix plus élevés liés à l’importation (ce qui a induit une forte hausse des prix des sciages, de 60 % pour les scieries suédoises entre la période d’avant sanctions en 2022 et les 6 premiers mois de 2023) », précise ResourceWise.
C’est l’Amérique latine, et le Brésil en particulier, premier producteur mondial de grumes de sciage selon le consultant, qui connaît aussi une situation inverse à la moyenne : progressant sur le marché mondial du bois, il voit le prix des grumes de sciage augmenter. ResourceWise parle d’une augmentation de plus de 200 % des prix des grumes de sciage au Brésil entre le début de 2021 et le deuxième trimestre 2023. « L’industrie forestière brésilienne continue de propulser le pays vers une position mondiale plus large. Par conséquent, la demande pour divers produits du bois a bondi, affichant une croissance impressionnante par rapport à des marchés en déclin comme le Canada. »
On notera des dynamiques bien différentes à l’origine des hausses des prix des grumes entre les pays nordiques européens affamés par les sanctions et un pays des BRICS en plein développement de ses marchés…
Approvisionnement stable attendu en Europe
Lors de la 71e édition de la Conférence internationale sur le bois résineux organisée mi-octobre à Vienne par le Fachverband der Holzindustrie Österreichs (avec l'Organisation européenne de l'industrie des scieries – EOS – et la Fédération européenne du commerce du bois – ETTF), la conférence d’ouverture a été axée sur la disponibilité des matières premières, « qui n'était pas la principale préoccupation de l'industrie en 2023 mais reste une question vitale dans un contexte de transformation forestière due au changement climatique et aux politiques forestières », a-t-il été dit.
Sami Pastila, de l'AFRY, a montré que l'hémisphère Nord continuera à stimuler la disponibilité des matières premières dans l'industrie du bois résineux, avec des opportunités de croissance dans le sud des États-Unis. Un approvisionnement stable est attendu en Europe, mais avec des différences régionales.
Silvio Schüler, du BFW (Centre autrichien de recherche forestière), a déclaré que les stocks sur pied de conifères en Europe sont encore élevés mais de plus en plus soumis au risque climatique et que la disponibilité à long terme des ressources en résineux nécessite une gestion adaptée.
Herbert Jöbstl, président d'EOS, a souligné que « nous ne devons pas nous concentrer uniquement sur la disponibilité des grumes, mais que l'industrie doit améliorer son efficacité, par exemple en ce qui concerne le rendement des grumes, ainsi que la réutilisation et le recyclage du bois ».
Volatilité
La baisse des prix des grumes de sciage fait écho à celle du bois transformé, induite par la baisse de la demande, les craintes de récession planant depuis plusieurs mois. C’est le marché des sciages qui a ainsi beaucoup occupé (et préoccupé) les conférenciers. « Alors que les années précédentes depuis le début de la pandémie ont été caractérisées par une volatilité extraordinaire mais une bonne rentabilité pour de nombreuses scieries à travers l'Europe, en particulier 2021, cette année les marchés des résineux ont déçu tant les négociants que les scieries en raison du ralentissement déjà amorcé au second semestre de 2022. Le ralentissement peut être comparé à celui qui a touché le secteur il y a 15 ans lors de la crise financière mondiale », a-t-il été déclaré lors de la conférence.
Après avoir culminé en 2021, l'évolution de la production et de la consommation de résineux suggère qu'en 2023 la production aura diminué de plus de 8 % en Europe et la consommation d'environ 11 % par rapport à 2022.
L’inflation qui réduit l’épargne des consommateurs les dissuadant d’acheter des maisons et l’augmentation des coûts pour les entreprises de construction a contribué à la chute du secteur de la construction en Europe orientale, ont précisé les orateurs. Pour eux, la faiblesse des marchés de la construction semble devoir persister jusqu’en 2024, de sorte qu’au moins à court terme, la période critique pour l’industrie du bois d’œuvre devrait se poursuivre, avec des coûts de l'énergie élevés.
Selon Hakan Ekstrom, directeur du secteur international des produits forestiers de ResourceWise, les coûts mondiaux de la pâte de bois ont connu une baisse constante depuis la fin de 2022. À l’inverse, les prix mondiaux de la fibre de bois n’ont cessé d’augmenter sur de nombreux marchés. Ces augmentations sont principalement attribuables à la diminution… de la production de bois d’œuvre et à la diminution de l’offre résiduelle.