Le guide «Gestion des crises sanitaires en forêt» a été publié, dans sa deuxième édition, en novembre 2020. Cet ouvrage collectif a été coordonné par le Centre national de la propriété forestière (CNPF), le Département santé des forêts (DSF) du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, l’Office national des forêts (ONF) et l’Inrae, dans le cadre des travaux du Réseau mixte technologique Aforce, qui rassemble 16 partenaires. Frédéric Delport, chef du DSF, Olivier Picard, directeur recherche et développement au CNPF, Brigitte Pilard-Landeau, pilote national suivi de la gestion forestière à la direction générale de l’ONF, Nathalie Breda, directrice de recherche à l’Inrae, l’ont présenté lors d’une conférence le 15 décembre.
Ils ont d’abord rappelé les critères d’une crise sanitaire en forêt :
- le temps long : 3 à 10 ans ;
- des phénomènes qui ont «des hauts et des bas» (périodes de répit puis reprise) ;
- la nature complexe de l’évènement ;
- des menaces associées à l’évènement (santé, enjeux économiques…).
Le guide n’est pas un «traité de sylviculture», ont insisté les orateurs, mais se veut une aide adressée aux décideurs, fonctionnaires, gestionnaires, propriétaires… pour gérer une crise. Il décrit comment ont été gérées douze crises sanitaires, et ainsi propose de reproduire des bonnes pratiques et… d’éviter de reproduire des erreurs.
Parmi les douze cas concrets présentés, six avaient été traités dans la première édition du guide. Parmi les nouveaux cas décrits se trouvent la gestion de la chalarose en Nord-Pas de Calais, la gestion préventive du nématode du pin (celui-ci étant un organisme réglementé), la gestion du dépérissement des chênes et des hêtres dans les forêts du sud de l’Oise (Compiègne, Chantilly) affaiblies par les hannetons forestiers (plantations) et les sécheresses (peuplements adultes), la gestion de la crise des scolytes (artificialisation de la sylviculture).
Nathalie Breda a rappelé que la recherche sur le sujet des crises sanitaires en forêt a pris son essor dans les années 1980, après l’épisode des «pluies acides» – les chercheurs ont montré l’effet déterminant de la terrible sécheresse de 1976 –, puis s’est développée au fil des crises, par exemple celle de la chenille processionnaire ( lien avec les «station difficiles»), celle des dépérissements multi-essences après la sécheresse de 2003-2006… Le rôle de la recherche consiste en premier lieu à «identifier, quantifier, dater» et à hiérarchiser les facteurs de vulnérabilité (essences, sols…). Des aléas passés dont les arbres n’ont pas complètement récupéré sont souvent identifiés. Les liens avec les cycles de l’eau, du carbone, des nutriments sont mis en évidence, de même que la manière dont la gestion peut changer ceux-ci. Plusieurs axes de recherche sont particulièrement explorés, qui visent à mieux comprendre les mécanismes physiologiques de défense (métabolisme de défense, rôle de la diversité génétique…), à quantifier les sécheresses passées et en cours pour optimiser les itinéraires techniques, à évaluer les aléas futurs possibles selon différents scénarios.
La question cruciale pour l’avenir est de savoir comment la gestion peut limiter la gravité des sécheresses. Diminuer le volume sur pied, qui accroît les besoins en eau, est un axe de réflexion proposé par les auteurs du guide. Diversifier les stratégies aussi. «Aucune espèce ne résiste à des chocs atypiques par rapport à ce à quoi elle est acclimatés», a souligné Nathalie Breda. «Une mosaïque d’essences, de traitements, de densité est une réponse pratico-pratique face à l’incertitude ; on ne cherche pas les trois ou quatre essences miracles», a noté Brigitte Pilard-Landeau.
Frédéric Delport a apporté une note d’optimisme : «Nous avons traversé trois années de sécheresse exceptionnelle et des essences ont bien résisté, comme le pin maritime, le douglas, le peuplier, le tilleul…».
Le guide est téléchargeable sur le site du RMT Aforce.