« Les activités humaines induisent des changements rapides sur l’environnement, la biodiversité et sur nos vies. Si un institut public géographique est comme un miroir tendu au territoire, alors il faut cartographier en continu ces transformations accélérées. L’enjeu ? Permettre à la Nation de réagir de manière éclairée pour corriger ses excès. » Ainsi Sébastien Soriano, directeur général de l’IGN présente-t-il le futur de la cartographie. « En mobilisant des sources de données pouvant être croisées (vues aériennes, satellites, modélisation 3D Lidar, relevés terrain…), en accélérant les traitements automatisés par intelligence artificielle, en mobilisant la géo-visualisation, on peut bâtir un véritable poste de pilotage du changement environnemental. » Les géodonnées sont une véritable mine d’or pour le directeur de l’IGN, qu’il s’agirait de soustraire aux GAFAs, « par l’accès libre et gratuit aux données et par la constitution de la connaissance en commun ».
Lidar aérien
Le Lidar (Light imaging detection and ranging) se présente comme un capteur de détection et télémétrie au laser. En balayant son environnement avec un faisceau laser, il détecte les surfaces, objets, personnes, etc., aux alentours et indique à quelles distances ils se trouvent (il est considéré comme un instrument clé des systèmes d’assistance à la conduite automobile et de la voiture autonome).
L’IGN va le mettre en œuvre dans sa version HD pour sa « nouvelle cartographie 3D du territoire pour en améliorer la connaissance (forêts, zones à risques d’inondations, etc.) et mieux prévenir les risques liés au bouleversement climatique ». Sont prévus 5 ans de chantier d’acquisition : 7.000 heures de vol estimées, de nombreux partenaires impliqués pour obtenir une couverture du territoire de 10 points par mètre carré en moyenne pour des millions de points géo-référencés en 3D, et des données produites et publiées progressivement d’ici à 2025, en open data.
Pour rappel, une partie des sommes allouées à la forêt par le plan national de relance de fin 2020, soit 22 millions (des 200 millions initiaux du volet forêt de ce plan, dont par ailleurs 150 millions étaient destinés à la plantation et 5,5 millions à la filière graine et plants) l’ont été pour la mesure intitulée « Doter la France d’une couverture Lidar haute densité pour les territoires à enjeux forestiers et agricoles ». Cette mesure, précise le ministère en charge de l’Économie, permettra de connaître et de décrire les peuplements forestiers à l'échelle très fine de la parcelle forestière, et non plus d'un massif. « Les données faciliteront, ainsi, l'élaboration et le suivi des documents de gestion sylvicole, la dématérialisation des procédures administratives forestières et environnementales (télé-déclarations, demandes d'aides), l'amélioration de la desserte forestière et du transport du bois, le suivi et le contrôle des défrichements et des replantations, le suivi de l'état sanitaire des forêts et la prévention du risque « feux de forêts » », note le ministère. Celui-ci vise « une plus grande précision et performance dans la conduite des politiques publiques par les services de l’État » et dans celle des activités « des acteurs de la filière forestière (gestionnaires forestiers privés, coopératives, experts forestiers, propriétaires, communes forestières…) ».
Lidar embarqué... sur forestier
De nombreuses sociétés s’emparent des technologies de l’information géographique, y compris dans le domaine forestier. Le 10 juin dernier, la start-up française Outsight, qui se présente comme « leader de l’Intelligence spatiale 3D » (l’entreprise développe des solutions de perception 3D Lidar en temps réel), fournissait un exemple de cette tendance en annonçant le lancement de « la première solution Lidar en temps réel pour l’industrie forestière ». « S’appuyant sur son expertise Lidar utilisée dans d’autres industries, Outsight a développé une solution de cartographie capable de générer une carte 3D complète d’une forêt en temps réel. Ne prenant pas plus de temps que le temps nécessaire à l’opérateur humain ou à l’opérateur de la machine pour parcourir la parcelle, la solution Outsight détermine automatiquement la position exacte et les caractéristiques des arbres. Les exploitants peuvent ensuite « étiqueter » digitalement chaque arbre avec des renseignements supplémentaires, y compris les espèces ou la présence d’insectes, qui peuvent être utilisés pour une analyse plus approfondie », notait la société.
Elle indiquait qu’un professeur en sylviculture à l’Université du Québec se félicitait de pouvoir, avec Outsight, compléter ses relevés dans la forêt trois fois plus rapidement, puis, de retour au bureau, disposer d’un inventaire détaillé de la parcelle avec toutes ses notes automatiquement étiquetées sur chaque arbre, ceci lui faisant gagner du temps. Elle se réjouissait qu’Insight Robotics, basé à Hong Kong, leader dans le secteur de la gestion des risques forestiers, utilise son outil Lidar au sol pour cartographier rapidement et avec précision une section de forêt puis utiliser une carte 3D pour compléter les résultats de ses relevés aériens. Bientôt des forestiers « augmentés »? En un internet des arbres-objets?
En juillet 2020, Outsight a été sélectionnée pour bénéficier du premier financement du Green Deal du Conseil européen de l’innovation, pour ses solutions Lidar de gestion et de conservation de l’environnement et des forêts.