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Élection présidentielle / Que pensent les professionnels du bois des propositions des candidats ?

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À quelques semaines du premier tour de l’élection présidentielle en France, la rédaction du Bois International a identifié plusieurs propositions en lien avec la forêt et le bois, issues de candidats de tous bords politiques. Celles-ci rendues anonymes ont été envoyées à plus de 150 professionnels pour leur permettre de donner leur avis en toute objectivité. Le Bois International vous propose de prendre connaissance d’une sélection des commentaires reçus.

Le premier tour de l’élection présidentielle en France se déroulera le dimanche 23 avril. Après lecture des programmes des candidats, force est de constater que peu d’entre eux formulent directement des propositions pour la forêt et le bois. Seuls Jean-Luc Mélenchon, du mouvement La France insoumise et Nicolas Dupont-Aignan, du parti Debout la France, consacrent un volet de leur programme à la filière.

Quelques propositions directes

Dans le cadre de son chapitre sur la planification écologique, Jean-Luc Mélenchon mentionne trois propositions pour «exploiter durablement la forêt française». Il indique entre autres qu’il souhaite «développer la filière bois française pour permettre une exploitation forestière respectueuse du rythme des forêts et de la biodiversité, répondant aux besoins (chauffage, ameublement, construction, etc.) et créatrice d’emplois locaux». Si une majorité des professionnels qui se sont exprimés dans le cadre de notre enquête considère qu’il s’agit d’une bonne idée, d’autres comme Rémi Petitrenaud, s’interrogent et suggèrent une autre approche de cette problématique : «Pourquoi ? La forêt serait-elle saccagée ?», questionne le chef d’entreprise qui dirige avec son frère la scierie Petitrenaud, dans le Haut Nivernais. «Je pense plutôt qu’on doit arrêter le millefeuille administratif de contraintes et réglementations, insoutenables pour les professionnels qui exercent leur métier dans les règles de l’art, mais qui ne gênent en rien les travailleurs illégaux qui se foutent pas mal de toutes ces contraintes puisqu’ils ne sont jamais inquiétés, comme ils n’existent pas officiellement, et travaillent en dehors des heures et jours des éventuels contrôleurs.» Pour cet autre professionnel, qui a souhaité rester anonyme, la proposition du candidat de La France Insoumise ne tient pas suffisamment compte de la situation actuelle : «La réglementation forestière prévoit déjà aujourd’hui largement la prise en compte de la biodiversité et le renouvellement de nos forêts. Les dispositions existent, il est temps de faire confiance aux personnes qui s’investissent tous les jours pour la forêt française, mais qui ne savent pas le faire savoir. Oui la forêt française est bien gérée. Respecter le rythme des forêts et la biodiversité est une exigence, pas un objectif».

Autre candidat à formuler directement des propositions pour la filière, Nicolas Dupont-Aignan propose de «créer un poste de délégué interministériel forêt-bois rattaché au Premier ministre et garant d’une stratégie partagée par l’ensemble des ministères». Là encore, une majorité des professionnels qui se sont exprimés dans le cadre de notre enquête est favorable à cette proposition, comme Stéphane Goubet, chef de chantier charpentier bois pour l’entreprise Nouveau SA du Jura, qui considère qu’il s’agit d’une bonne idée «pour organiser une stratégie et assurer une réelle relance économique». «Pourquoi pas», ajoute un professionnel resté anonyme. «Il est vrai que la forêt et le bois touchent de nombreux domaines (environnementaux, agricoles, sociaux, énergétiques, financiers...) et donc se rapportent à différents ministères. Ceci devrait être une force mais malheureusement si ce n’est pas traité de façon intelligente, c’est une faiblesse qui d’ailleurs se ressent aujourd’hui par une mauvaise visibilité de la filière et un accès difficile aux produits et à leur traçabilité.» D’autres en revanche, comme Steve Cazorro, se prononcent contre cette mesure. Pour cet ETF à la tête de la SARL Cazorro, «il faut limiter le nombre de ministres ainsi que les postes qui gravitent autour car il y a déjà un pôle forêt au ministère de l’Agriculture».

Quelle place pour la construction bois ?

Les professionnels du bâtiment constituent bien sûr une cible à laquelle les candidats à l’élection présidentielle sont particulièrement attentifs, au regard notamment du rôle clé que peuvent avoir les évolutions du marché de la construction pour l’économie. Plusieurs politiques formulent ainsi des propositions qui directement ou indirectement pourraient avoir un impact pour les entreprises de charpente et de construction bois. Emmanuel Macron propose pour sa part de «rénover en dix ans toutes les «passoires énergétiques», dont la moitié dès 2022 pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre et parallèlement lancer un grand plan de rénovation des bâtiments publics». Cette proposition du fondateur du mouvement En marche semble faire l’unanimité auprès des professionnels qui se sont exprimés dans le cadre de notre enquête. Pour Alain Lefebvre, du groupe Lefebvre spécialisé dans la transformation du hêtre, il s’agit d’une «bonne idée», comme pour Stéphane Goubet qui juge cette mesure intéressante «pour donner l’exemple et réaliser des économies importantes dans la facture des énergies fossiles». D’autres, comme Steve Cazorro, y sont également favorables mais «avec des aides uniquement sous forme de crédit d’impôt». Rémi Petitrenaud, pour sa part, précise qu’il souhaiterait voir «promouvoir l’isolation des bâtiments publics par l’extérieur avec du bois français et des entreprises françaises avec des aides de l’Anah».

Sur le même thème, Jean-Luc Mélenchon propose de «soutenir par la commande publique le développement des constructions bois issu des forêts françaises». Pour plusieurs de nos répondants cette mesure constitue une bonne idée. «Ça me semble une évidence pour lancer une fois pour toutes cette technologie de concept», explique Didier Mériaux, président de l’entreprise Pharaon, spécialisée dans l’aspiration industrielle et le matériel de nettoyage. Pour Stéphane Goubet, cette proposition est intéressante «pour assurer la pérennité de la filière bois française». En revanche, d’autres, comme l’ETF Steve Cazorro, se prononcent contre, arguant que «la dette publique est déjà bien assez importante».

L’enjeu carbone

De son côté, François Fillon n’oublie pas lui non plus de parler de construction bois, en intégrant le sujet dans une proposition plus globale rédigée dans le cadre de son programme à destination du monde agricole. Le candidat Les Républicains, vainqueur de la primaire ouverte de la droite et du centre, propose «de soutenir l’investissement forestier, faciliter l’utilisation du bois dans la construction, et reconnaître le rôle environnemental de la forêt en lui allouant une partie des ressources issues de la taxe carbone». Le potentiel de crédits issus du marché du carbone constitue un enjeu important pour toute la filière, qui rappelons-le compense en moyenne 20% des émissions de carbone fossile de la France, dont 16% pour la séquestration forêt-bois et 9% pour les émissions évitées. La mesure de François Fillon fait donc l’unanimité dans une filière qui réclame depuis plusieurs années son intégration au sein des marchés régulés du carbone pour bénéficier de nouveaux flux financiers qui viendraient abonder le fonds stratégique de la forêt et du bois. Rémi Petitrenaud se dit ainsi favorable à une «taxe carbone pour aider les plantations et financement des aménagements forestiers, ainsi que les investissements de la première et seconde transformation». Pour Stéphane Goubet, il s’agit aussi d’une bonne initiative pour «soutenir la filière bois au niveau régional et l’économie rurale».

De l’énergie pour la filière

Du carbone à l’énergie, il n’y a qu’un pas et c’est sur ce thème que se focalisent sans surprise plusieurs propositions des candidats à l’élection présidentielle. Après un coup d’arrêt consécutif à plusieurs hivers doux, le secteur du bois-énergie voit progressivement son activité économique repartir, dans le sillage des bons chiffres affichés depuis plusieurs mois par le marché de la construction. Pour soutenir cet élan, Marine Le Pen propose de «développer massivement les filières françaises des énergies renouvelables (solaire, biogaz, bois…) grâce à un protectionnisme intelligent, au patriotisme économique, à l’investissement public et privé et aux commandes d’EDF». La mesure de la présidente du Front national recueille des avis partagés auprès des professionnels qui se sont exprimés dans le cadre de notre enquête. Si pour une bonne moitié, cette proposition semble positive, pour d’autres, les concepts «de protectionnisme intelligent et de patriotisme économique demandent à être plus détaillés». Pour Rémi Petitrenaud, cette proposition est intéressante à condition qu’elle serve à développer «des chauffages collectifs urbain au bois, plaquettes, écorces, sciures, de tailles raisonnables sur des zones où il y a de la forêt en quantité pour ces produits. Mais sûrement pas pour cautionner des centrales énormes comme à Gardanne, qui avant même de fonctionner normalement, déstabilisent la filière locale», précise le scieur installé dans la Nièvre.

Autre candidat à formuler une proposition en lien avec le domaine de l’énergie, Benoit Hamon envisage de «créer une aide pour permettre aux citoyens de s’équiper en matériel de production d’énergie renouvelable domestique, avec l’objectif de 50% d’énergies renouvelables dès 2025». À l’exception de quelques répondants qui jugent cette mesure comme «un gaspillage», la majorité des professionnels qui s’est exprimée la trouve intéressante. Professionnel de la construction, Stéphane Goubet y est favorable pour «permettre le développement d’entreprises locales ayant la maîtrise de ces nouveaux métiers». Didier Mériaux, de l’entreprise Pharaon, trouve également cette mesure intéressante à condition que «cette production soit utilisable par ses producteurs voire négociable avec leurs voisins».

Ne pas oublier la formation

Enfin, seul candidat à évoquer directement la question de la formation aux métiers du bois dans son programme, Nicolas Dupont-Aignan propose de «réinvestir dans la formation pour la filière forêt-bois française». La mesure est globalement bien accueillie par les professionnels interrogés qui, à l’image de l’ETF Steve Cazorro, sont régulièrement confrontés «à la pénurie de main d’œuvre» dont souffre la filière et qui voient dans cette idée des possibilités «de création de nombreux emplois». Cependant, pour Rémi Petitrenaud, la pénurie actuelle à l’embauche serait aussi liée au manque de motivation des candidats. «C’est un système d’apprentissage basé sur le modèle allemand qu’il faut mettre en œuvre dès la classe de 5e. Force est de constater que si la filière n’avait pas les entreprises roumaines, polonaises, avec des travailleurs détachés, 85% du bois de la forêt française ne seraient pas exploités et sortis de la forêt», ajoute le scieur. Dans l’ensemble, une majorité de professionnels qui se sont exprimés sur cette proposition est tout de même favorable à l’initiative du candidat de Debout la France, comme Stéphane Goubet, de l’entreprise Nouveau SA, qui considère que cette initiative doit d’abord être un investissement «pour l’emploi des jeunes».



Sylvain Devun

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