La faculté des arbres à capter le CO₂ pendant leur croissance est régulièrement présentée comme une réponse aux problèmes actuels en matière de changement climatique. Il suffirait donc d’augmenter la surface forestière pour limiter le réchauffement de la planète. Dans la filière bois, personne n’aborde bien sûr cette question de manière aussi simple, pour ne pas dire simpliste, mais au sein de la société, l’argument est parfois tellement galvaudé qu’il est sans doute utile de rappeler que la forêt ne peut être considérée comme une simple pompe à carbone.
Une équipe de chercheurs conduite par James Weber, de l’université de Sheffield, s’est d’ailleurs interrogée sur les conséquences que pourraient avoir une reforestation massive à l’échelle planétaire, au-delà de l’intérêt représenté par la possibilité de capter de grandes quantités de CO₂. Ce travail de modélisation, dont les conclusions ont été publiées le 22 février dans la revue Science (1), suggère qu’un scenario avec une augmentation de 500 millions d’arbres d’ici 2050 et jusqu’à 750 millions en 2095 (par rapport à 2015), pourrait avoir une incidence sur la chimie atmosphérique et l’albédo de la planète, c’est-à-dire la capacité de la surface de la Terre à réfléchir l’énergie solaire pour la renvoyer vers l’espace. Concrètement, cette étude explique que la surface sombre d’une forêt absorbe plus les rayons du soleil qu’une prairie, par exemple, et contribue donc potentiellement davantage au réchauffement. Elle souligne par ailleurs qu’au-delà de capter du CO₂, les arbres émettent aussi des composés organiques volatils et qu’une augmentation significative de leurs quantités serait susceptible de modifier les concentrations de méthane, d’ozone ou encore d’aérosols dans l’atmosphère. Sans aller jusqu’à affirmer qu’une telle opération de reforestation ne serait pas profitable sur le plan climatique, cette étude estime que dans le pire des cas, les effets secondaires induits pourraient conduire à neutraliser un tiers des bénéfices escomptés en matière de captation du CO₂.
La forêt ne sera donc pas la solution miracle au changement climatique. Nous le savions déjà. Rien qu’en France par exemple, l’empreinte carbone est de l'ordre de 700 millions de tonnes par an quand le puits de carbone forestier capte autour de 25 MtCO₂/an… pour l’instant ! (2) Il ne suffira donc pas de planter des arbres pour endiguer le réchauffement de la planète. Ces données ont ainsi le mérite de rappeler l’ampleur du défi à relever par nos sociétés sur le plan climatique, notamment à tous ceux qui pourraient encore être tentés de ne rien changer.
(1) Cette étude a fait l’objet d’un article intitulé "Chemistry-albedo feedbacks offset up to a third of forestation’s CO₂ removal benefits", publié le 22 février 2024 sur le site www.science.org. Un autre article intitulé "Changement climatique : la reforestation, un remède moins efficace qu’attendu" a été publié le 23 février 2024 sur www.mediapart.fr
(2) Lire par ailleurs : « La filière forêt-bois se donne une feuille de route pour contribuer à la décarbonation de l'économie ».