« Le secteur forestier a un rôle important à jouer pour atténuer le réchauffement climatique. Les forêts captent (séquestrent) actuellement 25 % du carbone émis par les activités humaines. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime qu’elles pourraient en séquestrer jusqu’à 15 % de plus avec des efforts modestes », indique Carbone boreal. Carbone boréal est à la fois une infrastructure de recherche de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) et un programme de compensation de gaz à effet de serre par plantation d’arbres, dirigé par la Chaire en éco-conseil. Des forêts de recherche, en collaboration avec le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs, sont ainsi créées qui permettent aux organisations et individus de compenser les gaz à effet de serre émis par leur organisation, famille, activités, etc. Une attestation de compensation de GES leur est remise, selon les modalités suivantes: 28 $ / tonne éq. CO2 ou 4 $ l’arbre (le montant du don est déductible d’impôt au Canada).
Le réseau des plantations Carbone boréal est protégé de toute exploitation forestière. Chacune d’elle regroupant les arbres associés aux différents contributeurs est géoréférencée et enregistrée dans la documentation de Carbone boréal. L’ensemble des plantations, soit plus d’un million d’arbres, a été vérifié selon la norme ISO 14064-3 par le Bureau de normalisation du Québec. Dans le registre (public) des donateurs, on peut voir ce qu’ont désiré compenser ces derniers : transport terrestre ou aérien, croisière, appareils électroniques, etc.
Carbone et forêt privée
Les plantations organisées jusque là par Carbone boreal sont des forêts publiques. Or, la question de la séquestration en forêt privée est réfléchie au Québec. L’équipe de Carbone boréal a déposé le 18 septembre un mémoire dans le cadre des consultations publiques sur la modification de la réglementation de la Loi sur la qualité de l’environnement permettant à des propriétaires privés de concevoir des projets de boisement et de reboisement devant mener à la création de crédits compensatoires disponibles sur le marché réglementé (système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre -SPEDE).
Les auteurs du rapport notent la difficulté à absorber plus de carbone en forêt privée : « la complexité des exigences et des frais pour la qualification et la délivrance de crédits compensatoires réduit la capacité des propriétaires à initier des projets ». « Les coûts imposés en amont de la réalisation de projets et le délai de carence pour qu’un propriétaire puisse obtenir un retour sur cet investissement constituent un obstacle qui peut décourager la réalisation de ce potentiel sur des terres privées. » Ils parviennent à la conclusion qu’« un modèle de gouvernance alternatif, permettant de combiner les absorptions en territoire public et privé devrait être examiné pour pallier à cette difficulté ». Ce modèle alternatif de gouvernance devrait fédérer les forêts publiques et privées et en rémunérant les propriétaires dès la mise en place des projets.
70.000 km2, dont 66.246 km² de territoires forestiers productifs, appartiennent à près de 134.000 propriétaires au Québec (88 % des propriétés forestières privées ont une superficie inférieure à 50 hectares). « Pour les promoteurs ne possédant que de petites surfaces (par exemple 1 ha), le délai d’attribution des crédits compensatoires de plus de 30 ans pourrait être rédhibitoire. Si l’objectif du gouvernement du Québec est d’intégrer la contribution des forêts du Québec dans la lutte aux changements climatiques par des mécanismes de marché et sur une longue période, il devrait considérer la création d’une société d’État qui pourrait gérer l’actif carbone en collectivisant le risque financier qui ne pourra pas être raisonnablement pris en amont par les propriétaires privés. Cette Société québécoise de mise en valeur du carbone forestier pourrait regrouper les gains de captation du CO2 sur les terres publiques et privées selon un principe comparable à la gestion des actifs financiers par la Caisse de dépôt et placements. Elle aurait la responsabilité de comptabiliser les gains de carbone liés à la forêt québécoise et de les mettre en marché pour le bénéfice collectif.»
Dans le cadre d’appels à projet, la société d’État de mise en valeur du carbone forestier ferait signer au propriétaire un contrat de fiduciaire pour les plantations et les rémunérerait ex-ante en conservant tous les droits sur les gains en carbone ex-post. « Il s’agirait donc d’un revenu net et rapide, dont on peut penser qu’il encouragerait les plantations sur l’ensemble du territoire disponible sur les terres privées avant 2030 », indique Carbone Boreal.
Dynamiques du climat et de la forêt encore à l’étude
Les forêts expérimentales de Carbone boreal ont pour l’heure comme rôle d’être supports d’étude de l’effet de l’albedo en forêt boréale (vis-à-vis de la lutte face aux changements climatiques). L’albédo (du latin « albus » qui signifie « blanc ») d’une surface correspond à la fraction du rayonnement solaire qu’elle réfléchit. La fraction non-réfléchie est absorbée et augmente la température de la surface terrestre. La neige reflète presque entièrement la lumière (fort albédo) et a donc un effet refroidissant, ce qui freine les changements climatiques. Le reboisement en zone boréale avec des conifères qui restent verts en hiver diminue l’albédo, ce qui réchauffe légèrement la surface terrestre. L’ampleur de cet effet est néanmoins variable selon les espèces plantées, la latitude, la densité des forêts etc. Les recherches en cours sur le sujet vont permettre de déterminer les stratégies sylvicoles optimales, notamment au niveau du choix des arbres à reboiser, et de quantifier précisément cet effet pour le soustraire au refroidissement lié à la séquestration de carbone par les conifères. Les plantations de 2016 de Carbone boréal ont été effectuées dans l’objectif de répondre à des questions sur l’effet de l’albédo : un dispositif comprenant 160.000 arbres comparant des espèces à feuillage caduc, qui perdent leurs aiguilles (mélèze laricin) ou feuilles (bouleau à papier) en hiver versus des espèces à feuillage persistant (épinette noire et blanche, pin gris), a été implanté en forêt boréale. De plus, 200.000 mélèzes ont été plantés au cours de l’été 2020 pour approfondir cette thématique de recherche. D’autres recherches seront également effectuées pour évaluer et quantifier les effets biophysiques autres que l’albédo pouvant influencer le bilan radiatif des plantations en forêt boréale. « S’il s’avérait que l’effet mesuré du changement d’albédo affecte significativement le forçage radiatif, les affirmations de séquestration seraient révisées en conséquence et l’équivalent en arbres non attribués de la perte mesurée serait déduit des réserves d’arbres de Carbone boréal », indique le programme.