Basée à Lyon, dans le quartier de la Croix Rousse, l’entreprise Résonance bois de Sandro Fäitae, en plus de proposer des prestations en matière d’ébénisterie et d’agencement, est spécialisée dans la réalisation de cors des Alpes. Une spécificité que son dirigeant, se caractérisant lui-même par une compétence à la fois artistique et artisanale, entend bien affirmer, et même élargir à de nouveaux instruments.
L’idée de créer des cors des Alpes s’inscrit pour Sandro Faïta dans la continuité logique à la fois de sa vocation première et de son histoire. Ce musicien professionnel classique, en effet, fut tout d’abord interprète de cor d’harmonie, durant plusieurs années, dans l’orchestre de Lugano, en Suisse. C’est durant cette période qu’il découvre l’instrument, à la résonance boisée si particulière, au service duquel il se consacrera plus tard en tant qu’artisan.
Comme il le souligne en effet, «le cor des Alpes est un instrument très répandu en Suisse». La voie musicale en croise alors une autre, issue de l’histoire familiale du joueur de cor : «J’ai eu envie de m’essayer à autre chose qu’à l’interprétation musicale, à travers la fabrication de cors des Alpes. J’ai donc suivi un complément de formation dans le domaine du bois», explique celui dont un grand-père était sculpteur sur bois. Historiquement, les origines du cor des Alpes sont à rapprocher des trompes utilisées dans les monastères tibétains. L’instrument a disons pris forme au gré d’un processus de migration en direction de l’Occident, adoptant le bois comme matériau constitutif. «On retrouve des traces des premiers cors des Alpes autour du milieu de XVIe siècle», précise Sandro Faïta qui ajoute que ce type de cor se distingue en particulier du fait qu’il est l’instrument à vent non amplifié qui possède la plus grande portée en matière de son, allant de 7 à 15 km. C’est pourquoi il était traditionnellement employé par nombre de bergers afin à la fois de s’identifier (chacun possédait sa propre identité musicale, composée de quelques notes caractéristiques) et de communiquer entre eux. «Les bergers, pour la fabrication, se servaient de sapins poussant à flanc de coteau, car ces arbres possédaient une courbure naturellement adaptée», précise encore Sandro Faïta.
C’est au XIXe siècle que le cor des Alpes fait son apparition au sein du folklore suisse, avec notamment l’organisation de concours impliquant l’instrument, et s’inscrivant dans une tradition perdurant jusqu’à aujourd’hui. «C’est pour cette raison que la plupart des gens pensent qu’il s’agit d’un instrument d’origine suisse», remarque Sandro Faïta, qui ajoute qu’on trouve «des traces du cor des Alpes dans les Vosges, et des similitudes avec certains instruments d’Europe de l’Est».
Des critères d’approvisionnements précis
«Les cors des Alpes sont toujours fabriqués par des ébénistes», précise Sandro Faïta. Celui-ci, après avoir suivi une formation d’une année afin d’acquérir des compétences dans le domaine du bois, a travaillé durant une autre année avec l’ébéniste dont il a repris l’atelier. Il a, surtout, complété son apprentissage grâce à un autre ébéniste installé non loin de là, sur les pentes de la colline de la Croix Rousse : «Il s’agit d’un métier où la transmission verbale est essentielle», estime-t-il à ce propos.
Cela fait à présent une dizaine d’années que Sandro Faïta a lancé sa propre activité, sachant qu’il a mis environ cinq ans à réaliser son premier cor qui soit commercialisable, après avoir conçu sept prototypes différents. «Durant cette période, l’entreprise a pu tourner grâce aux travaux d’agencement que nous réalisons.» Résonance bois, à l’heure actuelle, vend entre 30 et 40 cors des Alpes par an, le prix moyen oscillant entre 2.500 et 3.000 euros. «Le temps de travail s’élève à quelque 70 heures par instrument, soit environ deux semaines, et ce même avec un équipement matériel adéquat», souligne-t-il. Quant à la taille de l’instrument, certes peu commune, elle est dans le cas de Résonance bois de 3,7 mètres.
Les cors de Résonance bois se composent d’épicéa à 95% : «Cette essence offre un équilibre optimal entre poids et dureté. Il s’agit d’une essence légère, qui peut être travaillée en faibles épaisseurs», explique le musicien artisan, qui remarque que l’approvisionnement, dans son cas, n’est pas chose aisée : «Il n’est pas évident de trouver des scieries capables de proposer des sélec- tions variées en matière d’épicéa du Jura, et correspondant à ce que je recherche». Les exigences relatives à la matière première sont en effet pointues : «Il faut que le bois soit coupé en hiver, lorsque la sève est au plus bas. Il faut ensuite des bois entre 12 et 14% d’humidité» […]
Photo : Ebauche précise de demi-coque réalisée à la défonceuse.