La rencontre entre Christopher Dardaine et le bois a été fortuite et entière. Pour ce jeune expert-comptable mémorialiste avec dix ans d'expérience, l'évidence s'impose qu'il lui faut aller vers un autre secteur d'activité lorsqu'il commence à utiliser le bois dans le cadre de la rénovation de sa maison. Portes de placard, habillage d'une baignoire : les possibilités étaient larges par rapport à d'autres matériaux, explique-t-il. À peine a-t-il touché le bois qu'il y a prend goût, et même ne veut plus s'en passer. Il achète du matériel, travaille les soirs et les weekends, et dit-il, connaît tout de suite un rappel à l'ordre, une coupure de doigt qui se révélera bénigne mais le convainc qu'il doit consacrer le temps qu'il faut à sa passion ! « Techniquement, j'étais alors autodidacte. » L'arrivée de sa première fille, la période d'état d'urgence, sont d'autres événements qui le convainquent de cultiver une passion qui a du sens pour lui et pour les autres. Après une rupture conventionnelle, il intègre le CFA de Pont-à-Mousson pour une formation de menuisier. Il effectue un stage chez un agenceur transformant surtout du panneau, et un autre chez un ébéniste qui transforme le bois massif essentiellement. Titre professionnel de menuisier en poche, Christopher Dardaine vit une petite période de remise en question : il reçoit des propositions d'embauche, mais pour des postes qui ne font pas forcément appel à sa créativité. Finalement il choisit de poursuivre sa démarche jusqu'au bout, après quelques contrats en comptabilité, lorsqu'il découvre la couveuse La Boëte, et son atelier bois partagé de l'Hôtel innovation bois d'Épinal, géré par la société Xylolab.
Sensibilité, humanité et réflexion
Lorsqu'on n'a ni carnet de commande, ni machines, comment se lancer ? Lorsqu'il découvre le principe de la couveuse La Boëte (Lire l'encadré : « La Boëte »), Christopher Dardaine y voit le moyen de réaliser son rêve, à savoir créer son entreprise d'ébénisterie, proposant mobilier sur-mesure et objets décoratifs ou utilitaires en bois. « C'est exactement ce que je recherchais ». Il y entre en février 2023, après avoir été adhérent pendant 4 mois à l'atelier partagé de l'Hôtel innovation bois d'Épinal. Il s'installe dans l'une des cellules pour « couvés » de cet atelier, où il bénéficie d'un environnement de travail stimulant et de conseils, en plus des avantages procurés par le statut de « couvé ».
Dès cette étape de son parcours, le jeune ébéniste crée un site, communique sur les réseaux sociaux, bien que, discret, il ne soit pas habitué à se mettre en avant. « Pour moi il était important d'être clair sur mes valeurs », explique le jeune entrepreneur. La qualité de l'environnement intérieur est primordiale pour lui. « Ce qui est important, c'est l'humain », explique-t-il. Il propose des créations en bois massif ou panneau massif issus du massif vosgien essentiellement, il utilise peu de colle, et des produits de finition à l'eau uniquement. Avec un slogan qui dit tout de son écoute attentive du client : « Vos meubles, vos envies », Christopher Dardaine ne propose que du sur-mesure.
Les commandes, à partir des réseaux sociaux ou par bouche à oreille, ont commencé à arriver, pour certaines motivées par l'attention particulière portée aux besoins des enfants par l'ébéniste, qui a dédié ses premières créations pour les petits à ses filles.
Sans doute aussi parce que, comme il le dit, « je me montre tel que je suis ». Meubles sains, et aux fonctionnalités réfléchies, les créations de Christopher Dardaine sont empreintes de sa sensibilité et de son ingéniosité. « J'essaie d'apporter quelque chose qui ne peut pas se trouver ailleurs. » Peu à peu, il crée son réseau, se faisant connaître des décorateurs d'intérieur, des courtiers en travaux… Garder à l'œil la rentabilité, qui lui permettra de porter seul après trois ans de couveuse sa propre entreprise, c'est ce que s'attache à faire Christopher Dardaine, et il essaie de développer plus d'expertise dans le chiffrage, qu'il a tendance à sous-estimer. Car réaliser de la qualité comme il le fait est chronophage. Mais il n'y a pas de concession à ce niveau pour cet amoureux du travail soigné et avec une vraie « valeur ajoutée ». Mobilier pour enfants, meubles massifs, agencement en bois massif ou panneau massif, objets à la demande essaiment peu à peu dans le Grand Est et au Luxembourg. « Mes créations sont pensées pour durer », note Christopher Dardaine : elles sont des ambassadrices concrètes et durables de l'Atelier Dardaine.
La Boëte
Soutenir l'économie du bois, mais aussi garder la matière grise dans les Vosges, dynamiser l'espace rural, sont parmi les objectifs de la couveuse d'entreprises La Boëte, née en 2013, aujourd'hui sous l'égide de la Communauté d'agglomération d'Épinal, dans le cadre de sa compétence Développement économique. Elle se propose d'accueillir des porteurs de projets d'entreprises ayant une dimension bois en leur offrant aide, conseil et support matériel.
Depuis sa création, le panel des candidats entrepreneurs s'est élargi et ne se limite plus aux jeunes diplômés de l'Enstib. L'objectif est d'intégrer tout porteur de projet permettant d'apporter de la valeur ajoutée autour de la transformation du bois. Ainsi, La Boëte accompagne aussi des designers, des architectes, des personnes en reconversion, etc. En étant intégré à la Communauté d'agglomération d'Épinal, La Boëte peut accompagner un projet quel que soit son degré de maturité et les moyens mis en œuvre sont décidés au cas par cas lors du comité de sélection.
Deux lieux permettent l'accompagnement en accueillant physiquement les porteurs de projet : La Boëte, aux Voivres, où se trouvent des bureaux, une salle de réunion équipée pour des présentations, un serveur informatique, des éléments de reprographie et cinq studios permettant aux porteurs de projet d'avoir un pied à terre sur place ; l'Hôtel innovation bois, à Épinal, où 4 cellules de 65 m² autour de l'atelier partagé géré par l'entreprise Xylolab et un espace de coworking sont dédiés aux couvés.