Dominique Weber a été élu le 17 janvier à la présidence de France bois industries entreprises (FBIE). Il a succédé à Luc Charmasson, qui a effectué deux mandats à la tête de l’interprofession. Titulaire d’un DESS «banque et finance», Dominique Weber a d’abord travaillé cinq ans au sein de l’établissement financier Sovac avant de rejoindre l’entreprise familiale. En 1990, il devient co-gérant de Weber Finance, aux côtés de son frère, assumant le pilotage financier du groupe familial. Dominique Weber est également président de l’Unifa depuis 2014, organisation professionnelle au sein de laquelle il a lancé le projet «Ambitions 2016-2021» pour l’Ameublement français.
Vice-président d’Adivbois, il copilote également le Plan industries du bois, pour promouvoir la construction d’immeuble bois de grande hauteur. Il préside également le Comité de défense de l’équipement de la maison (Codem).
Le Bois International - Vous avez été élu à la présidence de FBIE le 17 janvier, sur quels dossiers avez-vous choisi de mettre la priorité depuis votre prise de fonction ?
Dominique Weber : venant de l’aval de la filière, j’ai un attachement particulier à l’ameublement, un secteur qui n’est pas que bois mais multi-matériaux.
Je souhaite avoir un discours le plus clair possible avec l’amont, mais surtout me préoccuper de l’aval pour ouvrir de nouveaux marchés qui permettront un usage du bois plus intensif. Il y a bien sûr la construction, qui constitue le marché volumétrique de débouchés pour la forêt, mais nous pouvons aussi imaginer une présence du bois plus positive sur des marchés comme l’ameublement, au-delà de ses utilisations actuelles. Quand on sait par exemple marier du bois, du verre et du métal, nous constatons que les produits se vendent plutôt bien. Nous avons la chance d’avoir une ressource abondante et nous devons réussir à la valoriser davantage. En France, l’augmentation de la mobilisation du bois passera par le développement d’outils industriels. La filière, qui présente la difficulté d’avoir un amont agricole et un aval industriel, doit trouver des terrains pour pouvoir travailler beaucoup mieux ensemble, sans avoir de confrontations comme nous avons pu en connaître il y a quelques années. Un gros travail a notamment été effectué à ce niveau au sein du comité stratégique de filière par Luc Charmasson, qui a été l’un des artisans du rapprochement entre l’amont et l’aval de la filière.
En prenant la présidence de FBIE, j’ai la volonté de pouvoir discuter avec l’ensemble de nos partenaires (bois construction, panneaux de process…) avec qui nous pourrions réfléchir à des projets collectifs. À l’image de celui que nous avons conduit dans le cadre d’Adivbois pour développer des immeubles en bois de grande hauteur, nous pourrions par exemple miser sur l’art de vivre à la française pour valoriser le bois français.
LBI - Avec France bois forêt, FBIE joue un rôle central dans l’orchestration du contrat du Comité stratégique de la filière bois, où est la mise en œuvre de ce programme ?
D.W. : C’est un vaste programme constitué de quatre grands défis. Après un peu plus de deux ans de fonctionnement, nous allons faire un point d’étape dans les prochains jours. Je considère que la création d’un lieu paritaire comme le CSF bois a été une bonne chose pour permettre à toutes les sensibilités de la filière de s’exprimer. Un gros travail a été effectué sur l’identification des enjeux, et nous commençons à mettre en forme des actions très concrètes dans le cadre des différents défis. La filière travaille par exemple à la mise en œuvre d’un système de veille économique mutualisée. Je considère qu’il s’agit d’un outil indispensable parce que nous avons jusqu’à présent des difficultés pour bien identifier les vrais chiffres du marché. Dans l’ameublement par exemple, nous avions jusqu’ici une vision assez pauvre du niveau d’incorporation du bois dans nos produits, alors que les enjeux sont très importants.
LBI - FBIE a été créée fin 2010 pour fédérer les professionnels de l’aval de la filière forêt-bois. Quelles sont les sources de financement de l’interprofession et comment ont-elles évolué depuis sa création ?
D.W. : Réunies au sein de FBIE, les organisations professionnelles travaillent avec le Codifab, comité de développement, qui gère la taxe affectée sur les produits bois et l’ameublement. FBIE n’a pas autorité pour décider à la place des organisations professionnelles de l’utilisation de la ressource. Elle est définie dans le cadre d’actions collectives. Néanmoins, en réunissant tout le monde, FBIE peut donner une vision stratégique à ces projets collectifs. Je souhaite ainsi impulser une dynamique autour de l’innovation, à l’image des actions réalisées par le Via, qui ont permis à l’ameublement de regagner des parts de marché. Il faut aborder le thème de l’innovation par le produit, mais aussi par le process. FBIE doit être le lieu où les différentes organisations professionnelles réfléchissent à une prospective de moyen terme sur ces problématiques d’innovation. Le bois n’a pas encore mis sur le marché toute sa capacité à produire de l’innovation.
LBI - Les données 2016 qui viennent d’être publiées par les douanes françaises font état d’une dégradation de près de 150 millions d’euros du déficit commercial de la filière forêt-bois. Après trois années consécutives d’amélioration, comment faut-il analyser cette nouvelle dégradation du solde commercial de la filière ?
D.W. : Aujourd’hui, les usines modernes ne sont plus forcément en France. Nous avons laissé disparaître un tissu de savoir-faire en France au cours des vingt dernières années. Mais aussi parce que nous n’avons pas été assez ouverts, comme l’ont été les Allemands par exemple, qui ont toujours eu la capacité de travailler avec le monde entier. Ils n’ont pas hésité à monter des usines dans d’autres pays pour renforcer la compétitivité du site «Allemagne». C’est un des enjeux pour la France. Il est important que nos industriels investissent en France, mais également dans des pays qui proposent des opportunités en matière d’investissement.
Pour exemple, dans l’ameublement domestique, nous sommes sur un marché très concentré, avec trois opérateurs qui représentent plus de 50% du marché : Ikéa, Conforama et But. Derrière le géant suédois, les deux autres groupes ne sont désormais plus détenus par des capitaux français, puisque que But vient de passer dans les mains du groupe autrichien Lutz et Conforama appartient depuis plusieurs années au conglomérat Steinhoff International.
Aujourd’hui, il est important de raisonner au niveau de l’Europe, une zone qui propose de nombreuses opportunités. Afin de pouvoir conserver en France la conception des produits et une partie de la production, il faut parfois savoir chercher des composants sur des territoires où les prix sont meilleurs. Après, il faut être capable d’ajouter un vrai savoir-faire complété d’une notion de service autour des produits, de possibilités de personnalisation pour réussir à se démarquer sur les marchés. Si certes il est compliqué de produire en France de façon compétitive, cette position géographique présente quand même des avantages pour pouvoir proposer du service et pour alimenter la distribution européenne.
LBI - Le plan pour les industries du bois, via l’association Adivbois, vise entre autres la construction de bâtiments bois de grande hauteur en France, mais ces projets pourront-ils se faire avec du bois issus des forêts françaises ?
D.W. : Si je fais un parallèle avec le marché de l’ameublement, nous savons que, comme pour la construction bois, une relance massive par exemple du marché de l’aménagement de la maison bénéficierait au départ en priorité aux importations. Pour l’heure, l’outil de production en France est insuffisamment capacitaire. Les entreprises font face à des problèmes de compétitivité coût par rapport à d’autres pays européens. Pour que les marchés que nous ouvrons se traduisent par la mobilisation de bois français, il y a un énorme travail de reconquête industrielle à effectuer. Il faut que ce soit une de nos priorités, mais c’est aussi aux responsables politiques de s’emparer de ces questions d’aménagement du territoire en envoyant les bons signaux pour aider à la ré-industrialisation de la France.
Le pouvoir économique est aujourd’hui largement dévolu aux grandes régions et FBIE devra avoir une action en direction de ces collectivités territoriales pour qu’elles prennent conscience de l’importance d’aider les entreprises de la filière bois à investir.
LBI - Un rapport rédigé en 2015 par le Conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux préconisait «la construction d’une interprofession globale de la FB». Que pensez-vous de cette proposition et existe-t-il une réflexion sur cette option au sein de la filière forêt-bois ?
D.W. : De mon point de vue, il est aujourd’hui important de conserver l’organisation actuelle avec d’une part France bois forêt et d’autre part France bois industries entreprises. Pour avoir un amont fort, il faut un aval fort. Nous n’avons pas les mêmes problématiques de temps. Les deux interprofessions doivent travailler ensemble mais l’une se nourrit de l’autre. La mobilisation de la ressource doit être la priorité de nos deux interprofessions. Au cours de mon mandat à la tête de FBIE, je souhaite insuffler la capacité de travailler ensemble sur des projets concrets.
Propos recueillis par Sylvain Devun