Compte-tenu des objectifs de la Stratégie nationale bas carbone et de l’entrée en vigueur au premier janvier 2022 de la Réglementation environnementale 2020 (RE2020) ‒ pour l’heure applicable aux seuls logements neufs, la question des émissions de gaz à effet de serre liées à la construction, à l’usage et à la fin de vie des bâtiments est placée sur le devant de la scène en France.
Les mécanismes de calcul de la RE2020 sont encore en cours d’apprentissage, mais il est clair que tout se joue sur les Fiches de données environnementales et sanitaires (FDES), qui tracent l’empreinte carbone des matériaux de construction. En clair, le calcul des émissions de gaz à effet de serre d’une opération de construction qui demande un permis de construire n’est pas fait à partir du réel mais de fiches plus ou moins ajustées et qui relèvent d’ailleurs d’une spécificité française clairement refusée par tous les autres membres de l’UE. Ce qui revient à prolonger la démarche du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) avec ses Avis techniques (AT) et ses Appréciations techniques d’expérimentation (ATE) en imposant aux acteurs européens du Marché unique une nouvelle étape coûteuse qui se répercute clairement sur les prix de la construction : d’une part, en protégeant le marché français où les compétiteurs ont les mains libres, d’autre part, en incitant les acteurs étrangers à répercuter sur leurs prix les frais conjugués des AT et des FDES.
Le Bâtiment, 38 % des émissions de GES
La France fait cavalier seul avec sa RE2020, tandis que la question de la réduction des émissions du Bâtiment est devenue un problème aigu et mondial. En 2018, l’ONU tranche le nœud gordien des répartitions nationales d’émissions de gaz à effet de serre, constate que le Bâtiment généralement sous- estimé ou à peine comptabilisé représente pour le moins 38% des émissions humaines de par le monde.
Le 14 décembre 2021, la Commission européenne réunie sur le même sujet rappelle l’objectif vital de décarboner l’ensemble des construction européennes d’ici 2050, et suggère d’établir pour 2030 le seuil préliminaire de la neutralité carbone des construc- tions nouvelles. Certes, les poli- tiques réglementaires sont le fait des États et la mise en place tardive de la RE2020, malgré la multiplication de seuils (négociables), ne permet en aucun cas de viser à elle seule la neutralité carbone dans 8 ans pour le neuf.
La Stratégie nationale bas carbone n’a même pas encore répercuté la décision de la Commission d’atteindre en 2030 une réduction globale des émissions européennes de 55% par rapport à 1990.
La compensation carbone, question politique
La visée d’une construction neutre ne bute pas seulement sur les prérogatives réglementaires, mais avant tout sur un débat de fond. Construire engendre immanquablement des émissions, qu’il s’agisse de bâtir du neuf, de réhabiliter ou même de rénover.
Ces émissions réelles concernent à la fois l’acte de construction et l’usage, sans parler de la fin de vie du bâtiment. De sorte que la seule façon d’atteindre une forme de neutralité est de réduire au maximum les émissions de GES au moment de la construction et durant l’usage, de prolonger au maximum la durée de vie des ouvrages ou leur réutilisation, et de compenser les émissions calculées par un geste de réduction ou de captation ailleurs.
Par exemple, dans le cadre du Label bas carbone français, rien n’empêche un promoteur de gommer les émissions d’un projet de construction en finançant des démarches de réduction des émis- sions dans le cadre d’opérations de rénovation. Le label existe mais il n’est pas appliqué. Les promoteurs se sont opposés à la compensation de l’artificialisation dont ils sont responsables, on ne les voit pas se ruer vers la neutralité.
Les labels bas carbone
En Allemagne, c’est différent dans le sens où le filière bois a d’une part fait de la construction bois son fer de lance, et d’autre part créé un label permettant aux industriels du bois de proclamer leur neutralité carbone par le biais de replantations effectuées quelque part dans le monde. Ainsi, un nombre important d’industriels du meuble affiche la neutralité carbone qui plaît aux consommateurs. Même le plus petit fabricant de panneaux de particule allemand, le très écologique Elka, poursuit cette démarche.
Cependant, on ne trouve pas à ce jour, outre-Rhin, des entreprises de construction bois revendiquant ce label. La raison en est simple : comment comptabiliser le coût carbone d’une opération de construction, au prorata des entreprises ? Ou bien s’agit-il de ne prendre en compte que les émissions induites par les transports, la transformation de la matière, les outils ?
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