Atlanbois, l’interprofession régionale en Pays de la Loire, et Adivbois, l’Association pour le développement des immeubles à vivre en bois, étaient associés pour proposer une Émulation constructive sur les immeubles à vivre bois le 17 mars. Outre la présentation de projets régionaux, cette après-midi était l’occasion de découvrir la restitution d’une partie des travaux d’Adivbois, à savoir un vademecum proposant un état de l’art de la construction bois multi-étages en France, ainsi que les résultats de deux études.
La réunion du 17 mars s’est tenue au siège de l’institut de la charpente et construction aux Compagnons du Devoir situé à Angers (49). Les équipes engagées dans le concours pour les immeubles à vivre en bois initié par Adivbois et le Puca doivent faire des propositions d’ici le 30 mai. Si les systèmes constructifs ne sont pas encore validés, on recense d’ores et déjà un projet de logements collectifs de 9 étages situé à Saint-Herbelain (44), incluant logements sociaux et logements en accession. Un autre projet, situé à Angers, est porté par le promoteur Duval développement grand Ouest. Il inclut une partie dédiée aux seniors et une partie tertiaire, cet immeuble bois R + 9 voire R + 10 constituant la tête de pont de la rénovation d’un quartier. Enfin, un troisième projet situé au Mans (72), également de R + 9 ou 10, est porté par le promoteur Artprom, ayant déjà collaboré à Tours (37) à une réhabilitation en bois avec surélévation et façade bois rapportée. Il est à noter que les projets, qui ne seront pas livrés avant 2020, ne dépassent pas 28 mètres. «Cela permet de disposer de plus de latitude, quand on sait qu’au-delà de cette hauteur, on passe en 4e famille pour ce qui est de la réglementation incendie», remarque Samuel Rialland, prescripteur bois pour Atlanbois.
«La région Pays de la Loire est déjà bien active en termes de construction bois, et divers projets ont été réalisés ou sont en cours, allant du R + 2 au R + 6. Concernant les immeubles de grande hauteur, l’enjeu pour les promoteurs est moins le prix que la capacité à vendre ces immeubles, à condition de pouvoir se démarquer».
Un capital émotionnel élevé
Marie-Cécile Pinson, responsable des relations entreprises au Via, présentait à l’occasion de cette après-midi une étude commanditée par Adivbois, dont l’objet était de déceler les cibles et les attentes relatives au projet des immeubles à vivre en bois. «L’étude s’est déroulée en deux phases», explique-t-elle : «Tout d’abord, dans le cadre d’une phase qualitative, 30 foyers vivant dans divers types de logements et répartis à travers l’ensemble du territoire national ont été interrogés, afin d’identifier ce que la construction bois et le Vivre bois représente pour eux sur les plans de l’innovation technique, sociétale, économique, environnementale et patrimoniale. Ce sont ensuite 1.500 personnes qui ont été sondées, afin de savoir s’ils seraient prêts à investir dans un logement bois : il en ressort qu’à priori, seuls 14% n’y voient aucun obstacle. Cela étant, après qu’on leur a présenté des planches didactiques, pas moins de 60% se déclarent favorables à un investissement de ce type. Cela met en évidence que plus la filière bois donnera à voir et communiquera vers le grand public, plus l'appétence grandira pour les bâtiments à Vivre bois».
«Il ressort aussi de l’étude un capital émotionnel exceptionnel concernant le matériau bois, puisqu’il dépasse les 90%. Ce ressenti repose sur un contrat de base non négociable, reposant notamment sur la perception chaleureuse et rassurante du matériau bois. Le respect de ce contrat de base apparaît fondamental dans la perspective de développer les immeubles à vivre en bois. Le dépassement des freins inhérents à la construction bois ainsi que le fait de conférer à celle-ci une dimension naturelle sur les plans de l’architecture et du design constitue deux autres axes essentiels». Parmi les freins identifiés figurent principalement, d’après l’étude, l’imperméabilité, l’entretien, ainsi que la crainte d’une moins-value dans le cas de la revente d’une construction bois. Pour ce qui est de l’inflammabilité, il apparaît de manière paradoxale que, si le bois en tant que matériau est spontanément supposé inflammable, seuls 39% des personnes interrogées expriment des craintes relatives au risque d’inflammabilité d’un logement bois.
Concernant la très grande hauteur en bois, au-delà de 20 étages, seuls 2% des personnes interrogées déclarent que cela leur paraît possible, 18% estimant que de telles constructions sont susceptibles de se développer. Entre 10 et 20 étages, on passe à 25% envisageant la possibilité de telles constructions. En-dessous, pour des constructions de 6 à 7 étages, les personnes interrogées se montrent convaincues de la possibilité de telles solutions, du fait que ces solutions existent déjà, et qu’ils en ont connaissance. «On peut donc légitimement supposer qu’une fois des immeubles bois de grande hauteur (R+9 voir +10) érigés, le pourcentage de personnes convaincues de la possibilité d’inscrire le bois en hauteur augmentera de façon significative», en infère Marie-Cécile Pinson.
«Globalement, on distingue au final 23% d’une population plutôt jeune et ouverte au changement qui se montrent les plus réceptifs au potentiel de la construction bois avec les 13% très matures. D’un autre côté, 26% se révèlent craintifs. Entre les deux se situe un groupe d’opinions variable.»
Deux études virtuelles impliquant du CLT
Julien Brisebourg, responsable des études chez ICM Structure, a quant à lui fait part des enseignements d’une étude virtuelle relative au CLT mis en perspective avec la construction de grande hauteur. Filiale d’Architectes ingénieurs associés, ICM est un bureau d’études structures, principalement spécialisé en solutions bois et mixtes. ICM avait été mandaté par Adivbois pour réaliser l’étude structurelle d’un immeuble «virtuel» en panneaux CLT. «Deux hauteurs ont été envisagées, respectivement de 20 et 32 niveaux, et l’étude a été réalisée avec le logiciel d’Autodesk Robot Structural», explique-t-il. «Les panneaux ont été positionnés suivant le plan conçu par l’architecte, et l’étude a porté sur les efforts internes du CLT, la déformation des panneaux liée aux efforts internes et externes, les systèmes de liaisons entre eux, la souplesse globale du bâtiment ainsi que le contreventement général de la tour. Il en ressort que dans la configuration de cette étude, des murs en CLT d’épaisseur de 22 cm sont requis pour le projet de 20 niveaux. Par contre pour atteindre 32 niveaux, il faut augmenter les murs CLT à 28 cm et liaisonner les linteaux au-dessus des ouvertures avec l’ensemble des panneaux.»
«Dans le cadre de ce type de bâtiment tout bois, les panneaux CLT ont été modélisés en coques orthotropes avec des relâchements entre chaque panneau (relâchements intégrants les raideurs d’assemblages). Il apparaît que dans le cas de telles hauteurs, il est nécessaire de bien prendre en compte les soulèvements en pied de bâtiment, et donc de concevoir des systèmes de liaison spécifiques entre les murs en CLT et les fondations. Enfin, étant donné les hauteurs étudiées, c’est davantage la stabilité au vent (déplacement en tête) que le critère du séisme qui est dimensionnant. Cette étude a révélé que pour avoir du bois apparent dans les logements, les deux sujets importants à régler sont le conforme acoustique et le risque d’incendie».
«Une autre étude virtuelle a été présentée, portant sur la comparaison de plusieurs systèmes constructifs en planchers : panneaux CLT, solives et CLT collés entre eux et mixte bois/béton, et en parois verticales : murs en panneaux CLT et système de poteaux/poutres. Cela faisait au total six solutions constructives qui ont été comparées au regard du bilan carbone, de la descente de charge globale, ou encore du prix. Il apparaît notamment que si la solution tout CLT offre le meilleur bilan carbone, les solutions incluant les planchers mixtes sont les plus intéressantes en termes de prix», conclut-il.
Stéphane Jardin