Pour le monde de la construction biosourcée en France, la forêt n’est plus simplement une ressource de bois. C’est aussi devenu un gisement de carbone. L’étude réalisé par Carbone 4 pour la filière bois, et présentée à la presse le 13 février dernier, contient entre autres deux chiffres importants. Premièrement, le gisement de carbone forestier français métropolitain, qui serait de 4,8 milliards de tonnes, soit environ 8 émissions humaines annuelles françaises sans prendre en compte les importations de carbone, notamment à partir de la Chine. Le stock de produits bois fait moins d’un dixième du stock forestier, et il est actuellement stable. En d’autres termes, la fameuse « seconde forêt » qui relaye le stock carbone de la première est un bosquet. Le bois d’œuvre n’y représente qu’un volant de 10 millions de tonnes de CO₂ par an. Carbone 4 prévoit des crises au cours des prochaines décennies, au cours desquelles la forêt française peut devenir globalement émissive. Selon la compréhension actuelle, la forêt ne peut plus être comprise comme un puits de carbone que l’on pourrait développer afin de palier au résidu de production humaine de carbone en 2050, bref dans 25 ans. Selon Carbone 4, même si on ne touche pas à la forêt, les épisodes de crise en feront un émetteur de carbone sur une période plus ou moins prolongée. L’équation de la neutralité carbone de la SNBC est donc fausse et en passe d’être remplacée par la SFEC. La forêt est actuellement en crise aigüe et il faut s’attendre à des récoltes sanitaires qui dépassent les capacités de transformation d’une part, et la demande du marché de l’autre. Le scolyte décime l’épicéa sans répit, 40 % des hêtres sont dépérissants, le frêne disparaît comme naguère l’orme. De même que la construction n’a pas du tout servi en France à restocker pour une longue durée les épicéas attaqués dans le bâtiment, les phénomènes sanitaires qui s’enchaînent en ce moment dépassent complètement les capacités de transformation en bois d’œuvre, la demande publique et les capacités stratégiques de la filière bois. De sorte qu’on est en train de manger le stock de carbone forestier français, avec la double peine du relargage et de la destruction de la photosynthèse associée à un stockage prolongé du carbone. Développer le stockage prolongé du carbone via le bois d’œuvre et les panneaux de process, c’est une goutte d’eau. La construction bois ne va pas sauver la forêt qui ne va pas empêcher l’acidification des océans où 90 % des émissions humaines sont absorbées. Même en ajoutant les vertus de la substitution, la construction biosourcée comme alternative de la construction polluante traditionnelle ne va pas nous sauver. Mais au moins, le bâtiment biosourcé ne creuse pas allègrement des tombes.
La 13e édition du Forum bois construction a suivi une nouvelle fois une approche hybride. Dès juin 2023, le thème « Stocker le carbone » a été défini. Ensuite, le lancement des appels à projets entre septembre et novembre 2023 a permis de développer un programme détaillé en fonction des réalisations emblématiques actuelles. On va donc voir dans différents ateliers la construction au plus près de la ressource, le choix du bois français ou local, le développement de l’acoustique biosourcée, la réhabilitation frugale, le hors site biosourcé, l’ingénierie agile, les stratégies contre l’inconfort estival, l’empilage de carbone dans les tours, la voie modulaire, le réemploi du bois structurel, la construction bas carbone à grande échelle dans le cas du Village des Athlètes, les nouvelles mixités constructives au service du bois, les écoquartiers dignes de ce nom, le mariage du bois et de la terre crue. Ce qui veut dire que le travail actuel de cette filière apporte déjà des éléments de réponse à l’objectif principal. En complément, la Tribune des innovations prépare les réponses de demain. Les solutions présentées au Forum sont certes insignifiantes au regard des besoins et des pratiques dominantes, mais l’appel à projet 2023 du Forum révèle à quel point on assiste à une sorte de révolution. La hausse des taux, la doctrine de sapeurs-pompiers, le penchant de l’opinion publique vers le laissez-faire à la Wohlleben ne peuvent rien y changer. Le mouvement de fond est amorcé, sans doute aussi un peu partout dans la société actuelle, de façon à redonner un peu d’espoir à tous.
Plus d’informations : https://www.forum-boisconstruction.com/pdf/FBC2024_programme.pdf