L’UICB, Union des industriels et constructeurs bois, organisait le 30 mai dernier une journée sur le thème «Construction bois et résidentiel, marché et perspectives de développement», pour présenter aux professionnels de ce secteur des données récentes montrant un léger recul de la part du bois, et proposer des pistes de redémarrage de ce marché porteur pour la construction bois.
Le marché de la construction, après avoir connu plusieurs années difficiles (les effets de la crise de 2008), retrouve le chemin de la croissance dans l’ensemble des secteurs. La construction résidentielle bénéficie de cette reprise, avec 393.000 logements mis en chantier depuis le début de l’année, d’autant que les taux du crédit sont à un niveau historiquement bas, 1,2% en 2016 et 1,46 en 2017, un argument de poids pour les acquéreurs de logements dont 88% achètent à crédit. Pour autant, la construction bois semble ne pas avoir profité de la reprise et recule en termes de parts de marché sur le secteur où elle était en pleine croissance, celui des maisons individuelles. Sur le marché des logements collectifs sa part reste faible, et heureusement celui des extensions-surélévations continue à soutenir les constructeurs bois. Tel est le constat commun de deux études économiques réalisées sur la base de données différentes, celle de l’Enquête nationale de la construction bois, fondée sur les déclarations des professionnels, et celle de l’Observatoire de la construction neuve, élaboré à partir des données des permis de construire de l’ensemble des bâtiments, que l’UICB présentait à ses adhérents lors de cette journée, complétées par une étude financière du Crédit foncier sur le marché du résidentiel. Face à ce constat, l’UICB proposait des pistes pour reconquérir ces marchés, avec l’appui de conseils de la communication et du marketing.
La maison individuelle bois perd des parts de marché
La construction résidentielle comporte quatre grands secteurs : les maisons en secteur diffus, les maisons en secteur groupé, les logements collectifs et les logements en résidence. La crise a touché beaucoup plus le secteur des maisons individuelles, dont le nombre de logements réalisés est passé de 191.788 en 2006 à 83.044 en 2015 pour remonter à 111.600 en 2016 selon les données du ministère de l’Environnement. Le redressement en 2016 est confirmé par l’Observatoire de la construction neuve qui constate une augmentation de 3,8% des permis de construire de bâtiments résidentiels (toutes catégories confondues) au 1er semestre 2016 par rapport au 1er semestre 2015, en y ajoutant l’évolution des surfaces de planchers correspondantes, qui augmente de 1,9% seulement, montrant une tendance à la diminution de la surface des logements.
La part des maisons bois (à comprendre comme les maisons à ossature bois) est passée quant à elle de 10,79% en 2011 (son niveau le plus haut) à moins de 9% en 2016, aussi bien pour les maisons individuelles que pour les maisons groupées. Les maisons en bois semblent donc se relever plus difficilement de la crise que l’ensemble des maisons individuelles, ce qui peut s’expliquer par l’importance sur ce marché des primo-accédants, grâce au soutien des pouvoirs publics via les prêts à taux zéro (120.000 distribués en 2016), qui sont par contre à la recherche de prix d’achat modérés sur lesquels la construction bois peine encore à s’aligner. La profession a trop eu tendance à privilégier une offre moyen-haut de gamme pour ne pas dévaloriser l’image du bois, a expliqué Loïc de Saint-Quentin, secrétaire général d’Afcobois.
Dans le logement collectif, qui confirme lui aussi une nette reprise en 2017, porté notamment par l’investissement locatif (environ 70.000 «Pinel» en 2016), la part de la construction bois reste faible (en incluant les logements mixtes bois-béton), un peu moins de 4% en 2016 (ce qui porte la part globale du bois dans le secteur résidentiel à 6%), alors que + de 50% des logements collectifs se construisent dans des bâtiments R+2, où le bois a toute sa place.
Seul le secteur extension-surélévation continue à être favorable au bois, qui emporte 27% des parts de ce marché, en progression de 7 points par rapport à 2011.
Où se situe le bois ?
L’étude de l’Observatoire de la construction neuve comporte une analyse détaillée par éléments constructifs des matériaux employés (renseignements obtenus par enquête). L’étude constate que sur l’ensemble des constructions neuves (55% de résidentiel et 45% de non résidentiel) au 1er semestre 2016, les parts de marché du bois sont stables ou en baisse, mais que le bois affiche une baisse en termes de volume, ce qui s’explique d’une part par la diminution de la taille des logements (on perd 1 m2 en moyenne par an) mais aussi par un recul des logements bois par rapport aux autres.
Ces résultats sont toutefois à nuancer en fonction des éléments du bâtiment. La part du bois comme matériau de l'ossature ou de la structure porteuse du bâtiment est ainsi en hausse, passant à 4,1% au 1er semestre 2016 (3,4% au 1S 2015) pour une surface de plancher concernée (volume) de 632.000 m². Attention, cette moyenne cache des disparités très importantes entre les maisons (+3,8% en MIG, +6,2% en MII) et les logements collectifs (+1,8%).
La part du bois dans le remplissage des façades (exprimé en surface de façade) est en légère hausse également par rapport à 2015 : 6,8% (+0,2 points).
Par contre, la part du bois dans le revêtement de façade (exprimé en surface de façade) est en légère baisse par rapport à 2015 : 5,8% (-0,2 points), un phénomène sans doute lié à la mauvaise perception du vieillissement des façades bois.
Pour les auteurs de l’étude, le bois doit investir les marchés de la maison en développement, dont les principaux maîtres d’ouvrage (60%) sont des constructeurs. Le bois devrait être favorisé par la RT 2020 encore plus que par la RT 2012, avec un effet d’anticipation, et les arguments du bois en termes de performances énergétiques et de stockage du CO2 devraient être essentiels à l’avenir.
Les attentes des prescripteurs et des usagers
Dans le souci d’encourager les professionnels de la construction bois à avoir une démarche marketing, la journée comprenait la présentation par une agence de marketing d’une étude sur les attentes des maîtres d’ouvrages. S’il est clair que les maîtres d’ouvrages publics sont sensibles aux atouts du bois, il serait important que le bois se fasse mieux connaître des maîtres d’ouvrages les plus influents actuellement, à savoir les établissements publics d’aménagement (EPA) qui sont aussi ceux qui sont le plus sensibles aux arguments qualitatifs et environnementaux. Quant aux constructeurs privés, pour eux le bois comporte certes des atouts mais aussi des inconvénients (vieillissement et entretien, performance acoustique, comportement au feu, perte de volume liée à l'épaisseur des planchers, manque d'identification des acteurs de la filière construction bois) et il importe de lever une par une ces réticences.
Enfin, tous ces maîtres d’ouvrages raisonnent en termes de viabilité économique d’un projet et sont en attente de ratios de constructions au m² et d’éléments chiffrés de la valorisation économique des principaux atouts du bois.
Quant aux usagers, dont les attentes évaluées dans le cadre du projet Adivbois étaient présentées par Marie-Cécile Pinson, s’il est clair que le bois a une bonne image, associée à une qualité de vie et à une symbolique positive, pour autant certaines craintes persistent comme le risque d’incendie et les craintes écologiques (déforestation, etc.) et tous expriment le besoin d’être rassurés sur la pérennité de l’offre bois et sur son coût.
Se repositionner sur l’offre petit budget
Pour Loïc de Saint-Quentin, une des pistes essentielles de développement de la part du bois dans les maisons individuelles serait le développement d’une offre de maisons bois à petit budget, dont il rappelle qu’elles représentent 60% du marché de la maison, à l’image des maisons «Premium» conçues par Afcobois il y a trois ans, des maisons bois «basiques», optimisées en termes de surface utile et de réseaux internes, avec une déclinaison en deux formules, une T4 et une T5 avec ou sans étage.
Plus encore, les constructeurs de maisons bois doivent sécuriser leur acheteurs en leur proposant un CCMI (contrat de construction de maisons individuelles, dans lequel le constructeur s’engage à réaliser les travaux comme convenu, à livrer la maison dans les délais et au prix fixé. Il doit aussi disposer d’une garantie responsabilité professionnelle et décennale). On s’est rendu compte à cette occasion que les délais de réalisation et les échéanciers de paiement, jusqu’au transfert de propriété, n’étaient pas adaptés à la construction bois, un chantier réglementaire de plus à régler, que la profession a demandé au ministère d’examiner…
De même dans le logement collectif, Loïc de Saint-Quentin estime que la construction bois doit se positionner en construisant une offre (petite, moyenne et grande hauteur), et en se rapprochant des promoteurs privés très présents sur le marché de l’accession à la propriété et des bailleurs sociaux pour le locatif. Afcobois a poursuivi son offre de logements premiums avec une proposition de bâtiments de 6 logements R+2 (2 T2, 2 T3 et 2 T4), pour une surface habitable d’environ 380 m², et un coût objectif de 1.265 euros (HT)/m² de SHA (coût de construction bâtiment hors fondations spéciales).
On voit donc que les solutions existent pour conquérir de nouvelles parts du marché des logements, que ce soit des maisons ou des logements collectifs. Une démarche plus «marketing» s’impose, qui doit analyser secteur par secteur les enjeux, ainsi qu’une meilleure communication sur les solutions existantes et les acteurs de ces solutions. C’est à cette condition que le bois pourra faire valoir tous ses atouts.
Nathalie Jaupart Chourrout