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À la place de tours, un quartier bois : retour sur un projet pilote après sept ans

L’écoquartier Amsterdam réunit 20 logements Effinergie + ou passifs.

Crédit photo Stéphane Spach, AJEANCE / Pôle Habitat Centre Alsace
L’écoquartier Amsterdam a représenté une conséquente opération de construction bois livrée en 2015, à Colmar. Sept ans après, maître d’ouvrage, architecte, responsable du bureau d’études thermiques reviennent sur leur expérience au profit de tous les acteurs de projets bois, et font le constat des évolutions de la filière.

Thibaud Surini, prescripteur bois à Fibois Grand-Est, Thalie Marx, chargée de développement Économie filière habitat à l’Eurométropole de Strasbourg, et Ronan Belier, directeur du développement du pôle Fibres Energivie, coorganisent depuis le printemps 2021 des « retours d’expériences » relatifs à des projets de construction ou de réhabilitation bois dans la région Grand-Est. Ces moments d’échanges réunissent différents acteurs des projets, qui partagent leur expérience concrète dans le montage des programmes et la conduite des chantiers.

La quatrième séance a eu lieu le 14 janvier 2022, et portait sur une opération de construction d’un écoquartier neuf de logements sociaux par un bailleur social, alliant 20 logements Effinergie +, 7 maisons passives et deux locaux tertiaires, en zone ANRU. Christian Tricot, représentant le maître d’ouvrage, le Pôle habitat Colmar – centre Alsace OPH, Jean-Charles Riber, architecte du cabinet Ajeance, Vincent Pierré, gérant du bureau d’études thermiques Terranergie, ont fait le point sur les enseignements à tirer de ce projet pouvant quasiment être qualifié de pilote, puisque d’ampleur et livré en 2015, à une époque où la construction bois était moins promue qu’à ce jour.

D’emblée, Christian Tricot a expliqué que les coûts de l’opération, sept ans plus tard, ne sont plus significatifs, avec un prix de revient à l’époque plus bas qu’aujourd’hui (l’époque de lancement du projet – 2012 – était celle de la sortie de crise de 2008) et un plan de financement facilité par d’importantes subventions (ANRU, Conseil général, ville de Colmar, SCCU), à 37 % du montant. À propos de la conjoncture actuelle, Thibaud Surini a évoqué les difficultés d’approvisionnement ayant marqué l’année écoulée, et reprécisé que les interprofessions accompagnent les projets d’investissements visant, face à l’explosion de la demande, à augmenter l’offre en bois techniques. Les organisateurs ont rappelé que « le Plan climat de l’Eurométropole de Strasbourg affiche des objectifs ambitieux en matière d’utilisation du matériau bois et des biosourcés dans les bâtiments, avec la volonté de construire 300 à 400 logements en bois par an sur le territoire ».

 

Conception réalisation : Charpentes Martin et Fils mandataire

Un écoquartier à taille humaine pour dédensifier le tissu urbain (il est édifié à la place de tours) et promouvoir la mixité sociale était le souhait du maître d’ouvrage, de même que la réalisation d’une partie des logements en passif. Le programme a été lancé en conception réalisation – une formule adaptée aux projets de haute tech- nicité selon le maître d’ouvrage – qui s’est fait accompagner d’un AMO. Ce n’est pas une entreprise générale qui a été retenue mais le groupement réunissant le cabinet d’architecte Ajeance et la société Charpentes Martin et Fils.

Deux petits collectifs de sept logements en front urbain, deux bandes de sept maisons individuelles flanquées de celliers, et des stationnements couverts, telle a été la proposition. Une partie des logements devaient être passifs, le reste d’un niveau de performance Effinergie +. Ce qui distingue les sept maisons passives, c’est un triple vitrage sur châssis bois 88 mm (les autres bénéficient d’un double vitrage sur châssis bois de 68 mm Effinergie +) et une épaisseur d’isolant augmentée de 5 cm. Les murs sont en effet en ossature bois isolés en ouate de cellulose, aussi bien ceux des petits collectifs, dont rez-de-chaussée et cage d’escalier sont en béton, que ceux des maisons. Les balcons sont désolidarisés de la structure. Les planchers sont en dalles CLT, les toitures (végétalisées) en caissons. Pour le traitement acoustique, il a été recouru à la chape sèche Fermacel (nid d’abeille en carton rempli de gravier posé sur la dalle de bois). « Il a été difficile de trouver un prestataire pour sa mise en œuvre », a noté l’architecte qui remarque que ce type de chape sèche permet d’éviter risques et désagréments dus à l’eau à un moment où le chantier n’est pas chauffé.

Les petits collectifs en front de rue.
Crédit photo : Stéphane Spach, AJEANCE / Pôle Habitat Centre Alsace
 
Les maisons en bandes.
Crédit photo : Stéphane Spach, AJEANCE / Pôle Habitat Centre Alsace

L’ensemble des constructions ont été préfabriquées par Charpente Martin et Fils. « L’entreprise a fait preuve d’une grande disponibilité », a remarqué Jean-Charles Riber. Menuiserie, volets, bardage...,tout a été monté en amont. Le chantier proprement dit a duré d’octobre 2013 à avril 2015, un laps de temps correct pour 27 logements, qui aurait pu être réduit avec une optimisation du pilotage de la fabrica- tion, ce qui n’a pas été la priorité pour ce chantier somme toute expérimental. « Les régulateurs vapeur étaient en attente, il n’y avait plus qu’à les scotcher », se souvient Jean-Charles Riber. Les maisons ont été montées sur des radiers de granulat de verre (matelas de 50 cm). À l’époque il n’y avait pas d’usine de CLT en Alsace (la scierie Schilliger du port de Colmar a ouvert sa production en 2017), ni d’atelier KLH dans le Jura, et c’est donc du KLH venu d’outre Rhin qui a été utilisé. Le bardage est en bois de pays, prégrisé en atelier. Le vieillissement homogène attendu est effectif.


Crédit photo : Stéphane Spach, AJEANCE / Pôle Habitat Centre Alsace

Secrets de projet bois

La fabrication du projet s’est faite en bonne intelligence, a remarqué l’architecte. Pour lui, la réalisation de l’écoquartier Amsterdam a été une opération singulière : « Nous avons expérimenté quelques mises en œuvre, cela a été une super expérience avec l’entreprise Martin, à aucun moment nous ne nous sommes sentis bridés sur la conception technique ». « On a pu dessiner le projet avec l’entreprise. Le savoir-faire est chez les artisans ; c’est plus difficile avec une entreprise générale. » Son regret : « On a du mal à reproduire ce niveau de préfabrication car les charpentiers ont beaucoup de travail aujourd’hui, et ils se recentrent sur leur cœur de métier ». « Les charpentiers font ça, mais rarement à grande échelle », a-t- il noté aussi. « La préfabrication nécessite un atelier immense, pour accueillir murs et structures, ce qui n’est pas à la portée toutes les entreprises ».

Le constat est néanmoins celui de la montée en compétences des entreprises. Le problème de l’allotissement bois a été abordé : macrolot bois et étanchéité ou lots séparés (charpentier, isolation, plâtre et étanchéité à l’air...) ? « On préfère assumer le découpage plutôt que de lancer des gros lots », a souligné l’architecte. « Les entreprises pourraient se grouper, et elles le feraient si elles travaillaient sur des opérations de manière récurrente, or cela reste sporadique ». Autre constat : il est dif- ficile de reproduire les systèmes constructifs. Courante est aujourd’hui la remarque que la construction bois nécessite une collaboration étroite entre les acteurs du projet, de l’anticipation, etc. Chaque projet en reconfirme l’évidence, et c’est le cas de celui du projet d’écoquartier Amsterdam à Colmar. 

Les balcons des petits collectifs sont désolidarisés des structures.
Crédit photo : Stéphane Spach, AJEANCE / Pôle Habitat Centre Alsace

Une conduite en double flux

Pour un projet bois, selon l’architecte, la clef du succès et de la performance du bâtiment est un ingénieur bois dédié (dans le cas du projet d’écoquartier Amsterdam, la conception a été conduite avec le bureau d’études Icat 68) et une collaboration étroite avec le bureau d’études thermique. « La performance énergétique est dans l’architecture », a réinsisté Vincent Pierré, de Terranergie.

Pour lui, la logique du bâtiment passif double flux est dans l’anticipation de la bonne intégration des réseaux – dont la distribution doit être « au plus court », rationnelle –, dans la prévision des locaux techniques, auxquels il faut donner une place appropriée. « Cela nécessite une conception articulée entre architecte et ingénieur au plus tôt ! ». « La bonne intégration des réseaux (ventilation, chauffage, eau chaude) c’est ce qui fait la performance ! On peut imaginer de changer à la fin du projet la source, pompe à chaleur ou chauffage bois par exemple, mais pas les réseaux ! ». L’ensemble de l’opération quartier Amsterdam, qui bénéficie de bonnes conditions bioclimatiques, a été conduite en double flux, « incontournable pour une qualité d’air correcte » précise Vincent Pierré. « Aujourd’hui le double flux reste contesté pour de mauvaises raisons : à partir du moment où la conception est simple, rationnelle, sans coude invraisemblable », c’est idéal selon lui. Le passage de réseau d’une maison à l’autre, en l’absence de comble (toit végétalisé) s’est fait en sous-face des planchers de l’étage, et il a fallu gérer le fait de « traverser le coupe-feu ». « Tout fait tendre vers le système collectif dans un bâtiment performant », a remarqué l’ingénieur thermicien. Christian Tricot a indiqué que si la maintenance du double-flux a demandé quelques réglages « aujourd’hui, ça roule ».

Un accompagnement des usagers a été effectué, dont la satisfaction est réelle (très peu de changements de locataires). L’ingénieur thermicien et le maître d’ouvrage regrettent que l’opération complète n’aie pas été conduite en passif. L’ingénieur thermicien Vincent Pierré a formulé un mot de la fin encourageant en faveur de la construction bois et mixte : « La RE 2020 va changer la donne ! On assiste à l’inversion de la charge de la preuve ! Je ne suis pas sûr que tout le monde en ait conscience ! »

 

Deuxième Transformation

Construction bois

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