Au départ, 170 dossiers étaient en lice pour participer à la première édition du Prix du Réseau des maisons de l’architecture (RMA). Le 8 décembre dernier lors de la présentation du palmarès dans les salons de l'Académie d'Architecture à Paris, cinq étaient encore qualifiés pour prétendre à la victoire finale. C'est finalement le projet "Breil, cœur de quartier au féminin", porté par l’Association Aléas à Nantes, qui a été désigné vainqueur par le jury de ce concours imaginé par le RMA, en partenariat avec le ministère de la Culture, le Conseil national de l’Ordre des architectes, avec la complicité du magazine Architecture d’Aujourd’hui et du fabricant de mobilier Brunner. L'association Aléas a travaillé sur ce projet en collaboration avec le collectif Gru, la Pépinière Jeunesse Horizon et une quinzaine de jeunes femmes âgées de 16 à 18 ans. Ensemble, ils ont pensé et réalisé du mobilier dans le cadre d'une démarche qu'ils ont nommée : 127 degrés. "127 degrés" fait référence à la posture que les jeunes adoptent, en période de croissance. Le dos, légèrement courbé, s’incline à 127 degrés pour réduire au minimum l’effort musculaire", indique l'équipe qui a remporté ce premier Prix. "Les jeunes femmes rencontrées dans le quartier du Breil témoignent d’un certain inconfort à habiter l’espace public. Malgré leur volonté à investir la place centrale dite du "Carré Gris", la domination masculine ordinaire entrave parfois leur capacité de s’y réunir. "Breil cœur de quartier au féminin" est une démarche de recherche-action pour éprouver les manières dont on peut infléchir ce constat – par la mise en place de chantiers participatifs en non-mixité."
Le jury du concours a quant à lui tenu à saluer "un projet militant, partenarial et méthodique basé sur un triptyque : immersion, construction et bilan. Un projet fédérateur qui agit sur la politique de la ville au service de la place des femmes dans l’espace public et a eu aussi pour effet d’amener celles qui ont participé à ces ateliers à découvrir leur potentiel dans une forme d’empouvoirement. Un exemple qui illustre également la mise à disposition des outils architecturaux pour une meilleure inclusion à travers le "faire".
Une partie du mobilier créée dans le cadre de "Breil, cœur de quartier au féminin" a notamment été réalisée en bois. Parmi les cinq dossiers finalistes de ce concours, un autre valorisait encore plus directement le matériau bois : la réalisation d’une école publique à la Selle Craonnaise, en Mayenne. "Une école est un projet de société qui accompagne les enfants dans leur rapport au monde. À La Selle Craonnaise, l’implication des habitants a permis d’inscrire le projet à l’échelle du bourg et de rendre appropriable une démarche environnementale et collective", expliquait dans son dossier de candidature le cabinet Huitorel & Morais architectes à l'initiative de cette réalisation. "Notre démarche prête beaucoup d’attention aux ressources et aux tissus économiques locaux. Nous participions déjà activement au développement de la filière paille en Mayenne, grâce à un restaurant scolaire que nous réalisions dans le village voisin. Notre engagement pour la qualité environnementale demeure néanmoins invisible pour les enfants qui vivent dans ce bâtiment fait de bois et de paille, à la ventilation naturelle. Si la mise en scène du chemin de l’eau vers une citerne volontairement expressive ou la fenêtre de vérité qui laisse apparaître la paille participent à sensibiliser les enfants au milieu naturel, ils ne se l’approprient pas encore pleinement. C’est pourquoi nous leur avons confié ici la conception du mobilier des cours de récréation en prenant le bois de la commune comme ressource locale et renouvelable. Ce projet pédagogique autour des dimensions techniques et poétiques du projet s’est déroulé sur l’année scolaire, en respectant le fil des saisons, le cycle de la matière et un rayon géographique très limité. À l’automne, les enfants conçoivent le mobilier par des jeux en maquette. En hiver, ils assistent à l’abattage de tilleuls en fin de vie dans le bourg. Au printemps, ils passent une journée à la scierie des Géants à Craon pour transformer les grumes en mobilier. En été, avec les charpentiers, ils installent les structures dans la cour, supports de jeux et de parcours".
Lors de la présentation de ce palmarès, la présidente du RMA Anne-Sophie Kehr a notamment précisé que "le Réseau des maisons de l’architecture est un rhizome et non une racine, parce qu'il est transversal et non vertical. [...] Ce prix vise à valoriser des processus émergents, des récits collectifs… à révéler le lien entre habitants et espace, entre habitants et territoire. Ce prix s'intéresse davantage aux attitudes, aux engagements… Toutes ces démarches sont la preuve que nous pouvons dépasser ce sentiment d'impuissance collective à agir. [...] Nous ne voulons surtout pas créer de catégories. Une nouvelle sagesse de l'habiter est nécessaire".
Le Réseau des maisons de l’architecture a prévu de reconduire l'organisation de son prix tous les deux ans.
Les cinq projets finalistes du concours
- Bâtir une école avec les enfants (Huitorel & Morais architectes - école publique de la Selle Craonnaise - 53)
- Faire place aux femmes dans l'espace public (association Aléas - Atelier à l'épreuve du sensible Breil, cœur de quartier au féminin - Nantes - 44)
- Révéler les pratiques agricoles (Camille le Gac - Champs des possibles, réimaginer la filière porcine en Bretagne)
- Redynamiser les centre-bourgs (Caroline Vernay - Dispo : du potentiel des locaux commerciaux disponibles en centre-bourg, La Côte-Saint-André - 38)
- Définir un projet de réhabilitation (Massstab - Atelier d’architecture - Résidence Paf ! Châteaulin (29) Bretagne. Étude-action accompagnée par le CAUE 29 pour la réhabilitation de 180 logements sociaux pour Finistère Habitat en lien avec la ville de Châteaulin)