Dans les Hautes-Alpes, Guillaume Moreno agit comme menuisier généraliste ne fabriquant que sur-mesure et en bois massif. Cet artisan de proximité promeut auprès de ses clients l’emploi du châtaignier et d’autres essences régionales (mélèze, noyer, frêne...).
Mon grand-père a fui l’Espagne dans les années 1930 et il est rentré par alliance dans une vieille famille de menuisiers de Pont-Saint- Esprit, dans le Gard», raconte Guillaume Moreno, peut-être pour expliquer ce qui l’a poussé vers le bois. Mais son père médecin voyait d’un œil réprobateur le projet d’un fils qui voulait embrasser une carrière manuelle. «Alors, j’ai fait une fac de sports.» Sans doute une manière diplomatique d’apaiser le courroux paternel.
Cependant, sa nature a repris bien vite le dessus. À 22 ans, le futur prof de sports a quitté les études supérieures d’EPS pour entamer d’autres universités. Il est devenu apprenti menuisier chez les Compagnons du Devoir et du Tour de France d’où il est ressorti, deux ans plus tard, titulaire d’un BEP et d’un CAP. Sa formation, toujours par alternance, se poursuivra dans la foulée par l’obtention d’un BP de menuisier. Des emplois successifs qu’il occupera par la suite, Guillaume Moreno en tirera une solide expérience professionnelle. «Chez un menuisier du Gapençais, j’ai eu la chance de réaliser des pièces complexes, de faire des calculs d’angles de corroyage, de rechercher des longueurs de débits en pente...» Puis, pendant un an, dans une ébénisterie de Limoges spécialisée dans la restauration de meubles, il découvrira le travail minutieux du placage et la marqueterie sur du mobilier de style Louis XV, Directoire, Empire, Louis-Philippe... De retour au pays plus aguerri, le jeune homme deviendra pendant cinq ans salarié d’un menuisier généraliste ouvrageant le bois massif pour ses fabrications de cuisines, de portes d’entrée, d’escaliers...
Que du sur-mesure
Nous sommes en 2008 et l’entreprise à laquelle il collabore donne de sérieux signes d’essoufflement. Les événements vont se précipiter. «Alors c’est ici, à Châteauneuf-de-Chabre, dans les Hautes- Alpes, que je me mets à mon compte sans préparation poussée, plus contraint par les circonstances que par une réelle volonté de devenir patron.» Une pépinière d’entreprises de Gap l’aide à mettre son pied à l’étrier du monde entrepreneurial. Et comme la greffe prend, Guillaume Moreno choisit le statut d’auto entrepreneur lui permettant, jusqu’à 82.000 euros de chiffre d’affaires, de facturer ses ventes sans TVA. «Après avoir loué des locaux jusqu’en 2015, j’ai acheté un bâtiment que j’ai entièrement rénové pour en faire mon atelier en y installant un système d’aspiration des poussières.» D’autres investissements suivront en achats de machines-outils d’occasion : scie à format et mortaiseuse Guilliet-C, scie à ruban Thiérion, toupie-tenonneuse Super Comète, tour à bois Lurem...
Compte tenu des moyens, la priorité est donnée à du matériel conventionnel et robuste. Guillaume Moreno se définit en effet comme un petit artisan menuisier généraliste agissant seul et à une échelle modeste. Cela ne l’empêche aucunement d’avoir fait sa place en répondant à des demandes que d’autres professionnels n’ont pu satisfaire, à savoir les moutons à cinq pattes, donc tout en sur-mesure. Il est tout aussi capable de mettre en œuvre des techniques fines d’ébénisterie et de la fabrication traditionnelle en bois massif (tenons et mortaises, panneaux à table saillante, en rainures, chevillés et collés, moulures à grands cadres...). Et la restauration d’intérieurs de bateaux ne lui est pas étrangère […]
Photo : Guillaume Moreno, artisan menuisier de proximité dans les Hautes-Alpes.